Côte d'Ivoire: "Une interpellation des agences humanitaires aux autorités ivoiriennes concernant leurs responsabilités"

Abidjan, le 26 août 2003 - La zone de l'ouest a été particulièrement touchée par le conflit armé et les confrontations inter communautaires qui ont déchiré le tissu social et remis en cause la coexistence pacifique qui existait depuis plusieurs années entre les communautés autochtones et allogènes.
A l'heure où l'apaisement et la réconciliation sont les conditions nécessaires pour un retour des populations déplacées dans leurs sites d'origine les agences humanitaires lancent un message d'alerte en vue d'arrêter les expulsions qui s'y déroulent actuellement et qui sont susceptibles de raviver des tensions inter ethniques et communautaires.

En effet depuis plusieurs semaines les agences humanitaires et les différentes forces militaires en place ont constaté sur le terrain de nombreux mouvements de départ et de fuite de populations quittant leurs campements, villages et lieux d'habitation habituels.

Des milliers de personnes, dont la plupart sont des ressortissants des pays ouest- africains et des ivoiriens allochtones, ont été et continuent d'être expulsées des villages et zones rurales autour de Toulépleu, Zouan Hounien, Guiglo et Duékoué. Au cours de leurs fuites ils sont aussi l'objet de menaces et d'agressions de la part de groupuscules de jeunes non identifiés à ce jour.

Ces déplacements qui prennent l'allure d'un mouvement d'exode général ont pour origine les exigences de départ et les différents ultimatums donnés par plusieurs chefs de canton et chefs traditionnels des certaines communautés locales.

Les agences humanitaires rappellent que la protection des populations civiles qui résident en Côte d'Ivoire, quelques soient leurs origines, est un droit garanti par l'état ivoirien qui est de plus signataire de plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l'homme et au droit humanitaire international, dont en particulier les principes directeurs relatifs à la protection des personnes déplacées.

Ainsi la responsabilité de l'état ivoirien est-elle particulièrement engagée lorsqu'il s'agit de la protection de ces personnes et de ressortissants de pays ouest africains qui résident en Côte d'Ivoire. En outre les personnes qui commettraient des exactions à l'encontre de ces populations engageraient leurs responsabilités devant les instances judiciaires nationales et internationales.

Les agences humanitaires signalent par ailleurs que ce phénomène d'expulsion aggrave la situation humanitaire déjà critique à l'ouest car ces expulsions, d'une part gênent, voire empêchent, la distribution correcte d'aide alimentaire, d'outils et de semences agricoles auprès des populations rurales et , d'autre part, créent un phénomène de saturation des centres d'accueil urbains qui reçoivent des milliers de nouveaux déplacés.

La ville de Guiglo a ainsi atteint le chiffre de 6000 déplacés et elle continue de recevoir chaque jour plusieurs centaines de nouveaux arrivants. Une situation imprévue qui perturbe fortement les programmes et les prévisions d'assistance des agences qui doivent répondre immédiatement à des besoins multipliés en termes de vivres, de non vivres ( abris, couvertures, nattes, seaux, etc) et d'aménagement des sites.

Dans le souci de prévenir les conflits et dans le but de recueillir des informations fiables et dignes d'intérêt, le Bureau OCHA Côte d'Ivoire a organisé du 20 au 25 août 2003 une mission conjointe avec les agences PAM, UNICEF, HCR ainsi que l'OIM et le SAARA, avec l'appui de la MINUCI et du PC des forces triparties de Bangolo sur les villes et villages de Toulépleu, Guiglo et Duékoué.

Cette mission d'urgence avait pour objectif principal de rencontrer sur le terrain les acteurs concernés par les expulsions, identifier avec eux la nature des problèmes ainsi que les points et conditions permettant de créer un consensus en faveur de la médiation et du dialogue.

La situation restant cependant tendue les agences humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires interpellent donc en urgence le gouvernement afin toutes les dispositions soient prises pour assurer la promotion de l'état de droit, qui répond aux aspirations des autorités, et la protection des populations civiles dans la zone de l'ouest.

Les agences humanitaires souhaitent aussi, compte tenu de la complexité de la situation que toutes les négociations et médiations de paix possibles soient menées auprès différentes parties en vue de pacifier les esprits et d'arrêter le phénomène d'expulsion constaté qui est en totale contradiction avec les principes d'aide et d'assistance des organisations humanitaires.