République centrafricaine : Plan de réponse humanitaire 2024 (janvier 2024)

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Contexte et impact de la crise

2,8 millions de personnes -46% de la population centrafricaine- seront extrêmement vulnérables en 2024, au point que seule l’assistance humanitaire ne suffira pas pour leur bien-être. En 2023, environ sept Centrafricains sur dix vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 2,15 dollars par jour, faisant de la RCA l'un des 10 pays les plus pauvres du monde. Cette situation contribue non seulement à amplifier les conséquences des chocs même de faible ampleur sur le vécu des populations mais aussi à exacerber la vulnérabilité des ménages avec des capacités limitées de résilience. Les taux d’insécurité alimentaire et de malnutrition, de mortalité maternelle et infantile, d’analphabétisme et de mariages précoces, sont encore assez préoccupants à l’échelle du pays, alors que les réalités des besoins structurels inhérentes au contexte continuent d’impacter négativement la vie des populations cumulant plusieurs niveaux de vulnérabilité.

La discrimination contre les femmes/filles et personnes vivant avec un handicap, au niveau de toutes les couches de la société, représente un obstacle à leur pleine participation à la vie sociale et économique. Les écarts entre les sexes contribuent à des taux élevés de violences basées sur le genre (VBG) avec plus de 11 000 cas enregistrés entre janvier-septembre 2023, dont 31% de viols (96% de victimes sont essentiellement des femmes et filles). Cette discrimination est renforcée par les normes socio-culturelles défavorables aux femmes et aux filles. A cela s’ajoute les violations des droits humains liés aux conflits (146 cas de violences sexuelles liées aux conflits faisant 196 victimes donc 2 hommes, 90 femmes et 102 filles). Dans les localités éloignées difficiles d’accès et marquées par la présence des groupes armés, le taux d’analphabétisme des femmes et des filles est estimé à 90%. Les personnes handicapées sont aussi exclues des systèmes éducatifs et autres services de base, en raison d’infrastructures inadéquates ne prenant pas en compte leurs besoins (73,8% de personnes handicapées interrogées ne savent ni lire ni écrire).

La hausse des prix des produits pétroliers et les crises au Tchad et au Soudan ont perturbé les chaines d’approvisionnement déjà fragilisées par la crise en Ukraine. La forte augmentation des prix du carburant a considérablement contribué à la hausse des prix de denrées alimentaires, principalement, à travers l’augmentation généralisée des coûts du transport (+17,1%), de l'alimentation (+10,3%) et de l'énergie (+3,5%). En 2023, 69% de ménages centrafricains vivent dans l’extrême pauvreté, ce qui constitue un facteur aggravant de la situation humanitaire déjà préoccupante à l’échelle du pays, où le panier alimentaire a augmenté de 22% comparé à la moyenne des quatre dernières années.

L’activisme des groupes armés et les tensions dans les pays voisins sont la cause de nouvelles vulnérabilités et besoins urgents. La RCA a connu trois nouveaux foyers de tension en 2023, à savoir l’arrivée de réfugiés et rapatriés depuis le début de la guerre au Soudan, la présence de demandeurs d’asile et rapatriés fuyant les violences intercommunautaires dans le sud-est du Tchad, et les différentes vagues de déplacements dans le sud-est de la RCA suite à l’émergence en mars 2023 d’un groupe d’auto-défense dans le Sud-Est du pays. Ces événements alimentant la montée de l'insécurité, ont engendré un afflux de demandeurs d’asile tchadiens, de réfugiés soudanais, et de rapatriés centrafricains, vers des zones déjà fragiles bénéficiant d’une assistance humanitaire déjà limitée. En conséquence, le nombre total de réfugiés et demandeurs d’asile a augmenté de 25% (62 000 réfugiés en novembre 2023 contre 11 967 en fin 2022), causant d’importants besoins d’assistance humanitaire et de protection.

Le stress financier expose les enfants à un risque accru de diverses formes d'exploitation, notamment les pires formes de travail des enfants ou l'exploitation sexuelle. Sur un total de 3 664 cas de VBG enregistrés sur les enfants entre janvier et septembre 2023, 84% sont des violences sexuelles. Les conséquences psychologiques et sociales de la crise en RCA risquent de compromettre à long terme, la santé mentale et le bien-être psychosocial des enfants et adolescent(e)s. Ajouté aux chocs récurrents, le risque d’abandon scolaire et donc de voir s’accroitre les violations des droits d’enfants centrafricains se trouve renforcé, sachant qu’en plus seuls 31% de filles contre 50% de garçons âgés de 14-24 ans sont scolarisés.

La prise en charge clinique des personnes survivantes de viols dans les 72 heures reste un défi majeur dans l’ensemble du pays. En 2023, seulement 29% des cas de VBG ont reçu un soutien psychosocial et des soins médicaux dans le délais requis de 72h.

L’accès accru aux engins explosifs restreint l’accès humanitaire et les mouvements civils dans plusieurs zones. L’utilisation d’engins explosifs a augmenté de 15% en 2023, et les civils constituent plus des trois quarts des victimes, sur les 62 incidents enregistrés impliquant des engins explosifs entre janvier et octobre. La présence d’engins explosifs surtout dans l’Ouest du pays limite significativement l'accès humanitaire dans un contexte déjà marqué par plusieurs restrictions d'accès.

Les inondations pluviales et fluviales demeurent un risque permanent pour plusieurs zones du pays, en superposition à d’autres types de chocs et de vulnérabilités humanitaires. Au 1er décembre 2023, plus de 85 000 personnes ont été affectées par les inondations, une baisse en comparaison à l’année précédente (100 000 personnes affectées en 2022), potentiellement attribuable aux retards de la saison des pluies.

Les mouvements de population restent la manifestation la plus visible de la crise en RCA. Un Centrafricain sur cinq est soit déplacé à l’intérieur du pays ou réfugié principalement dans les pays voisins. Au 30 septembre 2023, le nombre total de personnes déplacées internes (PDI) est estimé à 440 840, dont 27% vivant dans les sites/ lieux de regroupement, et 73% en famille d’accueil. 12% de l’ensemble de la population en situation de déplacement forcé s’est déplacée en 2023, majoritairement constituée de femmes et d’enfants de moins de 18 ans. Les violences liées aux affrontements, les incidents liés à la transhumance, les inondations, et les exactions des groupes armés sont les principaux chocs ayant suscité les nouveaux déplacements en 2023. En outre, les retours internes ont augmenté de 4%, et les retours de l’étranger ont augmenté de 5%, en majorité constitués de centrafricains fuyant les violences communautaires au Tchad et le conflit armé au Soudan.

Malgré de nouvelles vagues de déplacement, les intentions de retour sont significatives au sein de la population déplacée. 35% des PDI sur les sites et 75% de ceux vivant en familles d’accueil envisagent un retour dans les prochains mois vers les lieux d’origine, ou optent pour une intégration locale.

Au-delà des défis logistiques, les violences contre le personnel, les biens et infrastructures humanitaires, constituent un frein d’accès aux populations et aux services humanitaires. 197 incidents contre les humanitaires ont été enregistrés entre octobre 2022 et novembre 2023, notamment des braquages et intrusions (59%,117 incidents), des interférences et restrictions de mouvements (28%, 55 incidents), et les menaces et intimidations contre des travailleurs humanitaires (13%, 25 incidents). Les contraintes d’accès physique dues au mauvais état des routes dans tout le pays et la présence d’engins explosifs (surtout dans l’Ouest), renforcent les défis d’accès humanitaire, au-delà des contraintes saisonnières. Ces facteurs ralentissent drastiquement l’acheminement de l’aide humanitaire dans les zones les plus touchées et enclavées dont le sud-est, l’est et le nord-est de la RCA. Ils ont aussi un impact sur le coût des activités, en déphasage avec la tendance de financement de la réponse humanitaire en RCA.