République centrafricaine : Rapport de situation, 15 juil. 2024

Attachments

FAITS SAILLANTS

  • En 2024, la communauté humanitaire en RCA planifie d’assister 1.9 millions de personnes les plus vulnérables. 367.7 millions de dollars américains sont requis.
  • Les acteurs humanitaires ont fourni une assistance vitale à 2 millions de personnes en 2023.
  • Situation humanitaire de plus en plus inquiétante dans le Haut-Mbomou.
  • Face à l'insécurité dans leurs villages, des tchadiens cherchent refuge dans le nord-ouest de la Centrafrique.

COORDINATION
Faire progresser la localisation en République centrafricaine

La localisation de l'aide humanitaire en République Centrafricaine (RCA) est désormais une priorité, mettant en avant le rôle essentiel des acteurs locaux et nationaux pour répondre efficacement aux crises humanitaires. Le sommet humanitaire mondial de 2016 à Istanbul a mis l’accent sur la contribution des acteurs nationaux et locaux au succès de l’action humanitaire. En valorisant les connaissances et les réseaux des organisations locales, cette approche permet de concevoir et de mettre en œuvre des interventions d'urgence plus efficaces et durables. Les ONG locales, en première ligne face aux multiples crises que traverse le pays, jouent un rôle crucial grâce à leur compréhension approfondie du contexte et leur accès direct aux populations affectées. La localisation de l'aide humanitaire représente ainsi une stratégie essentielle pour améliorer la réactivité, l'efficacité et la pertinence de la réponse humanitaire dans un pays où 2,8 millions de personnes, soit 46 % de la population, sont extrêmement vulnérables et que l'assistance humanitaire, quoiqu’indispensable, n’est pas suffisante à elle seule pour rétablir leur bien-être.

Miser sur le local pour une aide humanitaire efficace

En 2022, la communauté humanitaire a mis en place une Task Force Localisation qui regroupe des plateformes et forums représentant des acteurs nationaux et locaux, des ONG nationales, ainsi que des organisations internationales ayant recours à la localisation. La stratégie de la Task Force Localisation a pour objectif de renforcer la représentation, la participation et le leadership des ONG nationales dans les structures de coordination d’assistance humanitaire, ainsi que leur participation dans la réponse humanitaire à travers le renforcement des capacités et du financement. Pour accompagner les acteurs nationaux, il est important de pouvoir les quantifier et les cartographier. Ainsi, avec le Conseil Inter ONG en Centrafrique (CIONGCA) et d’autres plateformes représentant les ONG nationales qui participent à la Task Force Localisation, une cartographie des acteurs nationaux et locaux a été élaboré en 2023 puis révisée en 2024. Cet exercice a démontré que les ONG nationales sont présentes sur 96% du territoire centrafricain.

Ces différents acteurs ont également élaboré la cartographie des difficultés que rencontrent les acteurs nationaux et locaux, développé des stratégies ainsi que des plans d'action avec quatre clusters pour s'assurer que les partenaires nationaux et locaux puissent progressivement assumer des rôles de leadership et de co-leadership dans les structures de coordination existantes. Des opportunités de renforcement de capacités existantes ont également été identifiées et la Task Force Localisation s’assure que les acteurs nationaux soient au courant, y participent activement, et puisent accéder à un financement direct et flexible.

La stratégie de la Task Force Localisation complète également les efforts du gouvernement et des acteurs spécialisés dans le développement et la consolidation de la paix, en renforçant la synergie entre les initiatives humanitaires et celles de développement durable.

‘’En participant aux structures d’orientation stratégique de la réponse humanitaire comme l’Equipe Humanitaire Pays et le Comité Consultatif du Fonds Humanitaire pour la RCA, nous nous assurons par exemple que les aspects liés à la redevabilité envers les personnes affectées soient pris en compte, et que les capacités nationales soient le plus possible intégrées dans la réponse humanitaire.’’ explique Anita Bissa, Coordonnatrice et fondatrice de l’ONG de femmes Wali Ti Kodro (WTK) et membre du Comité Consultatif du Fonds Humanitaire pour la RCA (FH RCA).

Premiers progrès enregistrés

La localisation fait partie des domaines de responsabilité de l’EHP, et des axes stratégiques de la réponse humanitaire en 2024. Le FH RCA a augmenté son taux de financement direct aux ONG locales et nationales en passant de 7% en 2022 à 20% en 2023, avec pour objectif d'atteindre au moins 25% en 2024. Concrètement, sur les 15,8 millions de dollars américains alloués par le FH RCA en 2023, 3,16 millions (20 %) ont été directement octroyés aux ONG nationales, soit une augmentation de plus de 200 % par rapport à l'année précédente. En parallèle, 22 % des 11 millions de dollars alloués par le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) ont également été indirectement alloués à 11 ONG nationales. Le FH RCA a promu la localisation pour renforcer les capacités nationales, soutenant 124 acteurs nationaux et évaluant les capacités de 21 partenaires potentiels, dont 76 % étaient des ONG nationales. Parmi les 12 nouveaux partenaires financés en 2023, huit étaient des ONG nationales, et 23 % des ONG nationales financées étaient dirigées par des femmes.

‘’Nous apprécions le progrès réalisé ces dernières années dans le cadre de la localisation, permettant aux ONGs nationales d’être en première ligne de la réponse humanitaire en RCA. Ceci a entraîné un important niveau de participation des ONG nationales en général, et les organisations des femmes en particulier, notamment en jouant un rôle de leadership dans la prise de décisions stratégiques sur la réponse humanitaire en République Centrafricaine’’, a déclaré Anita Bissa lors du briefing des Etats membres des Nations Unies sur la situation humanitaire en RCA organisé à New York en juin 2024.

Le FH RCA a également facilité des sessions de renforcement des capacités pour 30 ONG nationales et locales, qui ont eu pour effet d’augmenter les propositions de projets de qualité et une allocation de 27 % des fonds aux ONG nationales en 2023, dont 20 % en financement direct. Pour 2024, les priorités du FH RCA incluent la collaboration continue avec les clusters et groupes de travail, la représentation des organisations dirigées par des femmes, et l'objectif de canaliser 25 % du financement via les ONG nationales. Des efforts seront faits pour traduire les progrès nationaux en plans d'action provinciaux, en collaboration avec les structures de coordination régionales.

Un long chemin reste à parcourir

La localisation de l'aide humanitaire en RCA a certes progressé en 2023 et des priorités claires sont établies pour 2024. Les acteurs locaux et nationaux représentent le plus grand nombre d’acteurs humanitaires dans le plan de réponse humanitaire 2024 en RCA. Il est indispensable de renforcer les efforts pour assurer des partenariats équitables avec les ONG nationales, garantir un financement adéquat et leur intégration significative dans les structures de coordination et de prise de décision. Bien que le financement des ONG nationales par le FH RCA ait augmenté de manière significative, les financements directs dans le cadre du Plan de réponse humanitaire, principale source de mobilisation de ressources, restent inférieurs à 2 %. S’il y a eu des avancées au sein des mécanismes de financement sous le lead du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), ce n’est pas le cas pour d’autres mécanismes. Malgré les efforts déployés par le FH et le CERF, cela n'a que peu d'impact sur le financement global des ONG locales. « Nous aimerions voir de plus en plus d’acteurs et les bailleurs de fonds en particulier avoir des objectifs chiffrés de financement des organisations nationales », explique Thierry Adoum, Secrétaire Général de CIONGCA. « Nous aimerions que les acteurs internationaux comprennent que le financement des acteurs nationaux ne signifie pas localisation. Au-delà, il est essentiel de les inclure dans tout le processus de décision et de définition stratégique des programmes », a-t-il poursuivi. Par ailleurs, le niveau de capacités demeure un frein aux possibilités équitables d'assumer des rôles de leadership et de co-leadership au niveau national et sous-national. L’inclusion des partenaires locaux sur le terrain dans la mise en œuvre des programmes humanitaires demeure un grand défi également, ces acteurs étant encore largement concentrés à Bangui. En valorisant les acteurs locaux et en leur donnant les moyens d'agir, la communauté humanitaire œuvre pour une réponse plus efficace, durable et mieux adaptée aux besoins des populations centrafricaines.