Discours du Coordonnateur Humanitaire à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire 2016

  • Excellence Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de la Femme, de l’Action Sociale et de la Solidarité Internationale,

  • Excellence Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps Diplomatique,

  • Mesdames et Messieurs les représentants des Ministères, des Institutions et Services Etatiques,

  • Mesdames et Messieurs les Chefs de Missions et Représentants des Organisations Non Gouvernementales et des Agences du Système des Nations Unies,

  • Mesdames, Messieurs les Chefs de Délégation du Mouvement de la Croix Rouge,

  • Distingués Invités,
    C’est un plaisir et un honneur de m’adresser à vous aujourd’hui, pour cette 8ème Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire.

Je souhaiterais tout d’abord partager avec vous un extrait du message du Secrétaire Général des Nations Unies, en cette journée. Et je cite :

« Aujourd’hui, 130 millions de personnes ne doivent leur survie qu’à l’aide humanitaire – un nombre encore jamais atteint. Si elles étaient regroupées, ces personnes dans le besoin formeraient la dixième nation du monde en termes de population.

Pour autant qu’ils soient impressionnants, ces chiffres ne reflètent qu’un aspect de la réalité et derrière les statistiques se cachent des individus, des familles et des communautés dont les vies ont été détruites. Il s’agit de gens ordinaires : des enfants, des femmes et des hommes, obligés quotidiennement de faire des choix impossibles. Ce sont des parents qui doivent choisir entre acheter de la nourriture ou des médicaments pour leurs enfants; des enfants qui doivent choisir entre aller à l’école ou travailler pour aider leurs familles; des familles qui doivent choisir entre rester chez elles et vivre sous les bombardements ou prendre le risque de s’échapper par la mer.

Les solutions aux crises qui ont plongé ces personnes dans des situations extrêmement difficiles ne sont ni simples, ni rapides. Mais nous pouvons tous agir – aujourd’hui, et chaque jour. Nous pouvons faire preuve de compassion, nous pouvons protester contre l’injustice, et nous pouvons nous employer à changer les choses. », fin de citation.

Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire

Comme vous le savez, la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire a été créée en 2008 par l’Assemblée Générale des Nations Unies. La date du 19 août a été choisie en hommage aux victimes de l’attentat contre le bureau des Nations Unies à Bagdad, en Iraq, le 19 août 2003, au cours duquel 22 personnes avaient perdu la vie, y compris Sergio Vieira de Mello, Représentant Spécial du Secrétaire Général en Iraq.

En ce jour, je souhaite unir ma voix à celle du Secrétaire Général des Nations Unies afin de vous remercier, vous la Communauté humanitaire du Tchad, et célébrer vos efforts et votre dévouement pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. Je rends également hommage aux communautés, au Gouvernement du Tchad, aux bailleurs de fonds, et à tous les individus, qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent à alléger les souffrances humaines.

Situation au Tchad

Au Tchad, tout comme à l’échelle mondiale, le nombre des individus affectés par les crises ne cesse d’augmenter. Dans le pays, plus de 4,3 millions de personnes sont affectées par l’insécurité alimentaire, soit environ 30% de la population totale. Près de 410 000 enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aigüe.

Le nombre de personnes déplacées par les conflits, l’insécurité et les catastrophes naturelles continue d’augmenter. Si nous prenons l’exemple du Lac, en août 2015, environ 75 000 personnes en déplacement étaient estimées dans la région du Lac, répartis sur 22 sites entre Baga-Sola et Bol. Un an après, ils sont plus de 120 000, répartis sur plus de 180 lieux de déplacement. Face à ces besoins accrus et cette situation complexifiée, la réponse humanitaire a su s’adapter : de neuf partenaires en 2015, aujourd’hui, une trentaine de partenaires interviennent dans la région du Lac, et l’accès humanitaire s’est étendu bien au-delà de l’axe Bol-Baga-Sola, jusqu’aux zones frontalières.

Comme vous le savez, il n’y a pas que la région du Lac qui doit faire face aux mouvements de population. Dans l’est du Tchad, plus de 300 000 réfugiés soudanais vivent toujours dans des camps, certains depuis plus d’une décennie. Au sud, ce sont 83 000 retournés et 73 000 réfugiés centrafricains qui ont besoin d’assistance. Ces populations déracinées ont besoin d’aide, et sont trop souvent négligées par l’attention médiatique, opérationnelle ou financière. Aujourd’hui, nous devons nous réengager auprès d’elles, afin de mettre un terme à leurs souffrances. Nous devons également soutenir la solidarité des populations hôtes, qui partagent leurs maigres ressources et infrastructures. Ces communautés d’accueil sont les premiers acteurs humanitaires, et en cette Journée, nous leur rendons hommage.

Les populations au Tchad sont également affectées par les urgences sanitaires, dans un contexte d’accès quasi inexistant aux services de santé primaires. Il est douloureux de constater qu’un enfant sur sept meurt avant d’atteindre cinq ans ou qu’une femme sur cent meurt en couche, faute d’accès aux soins. Au cours d’une récente visite au Lac, j’ai été frappé de constater le manque total d’accès aux soins et aux médicaments dans certains villages. Il en est de même pour tous les services sociaux de base : à Abougoudam, à côté d’Abéché, où je me suis rendu début juillet, les enfants se pressaient autour d’un puit, le seul point d’eau à 25 kilomètres à la ronde. L’accès à l’eau est un défi majeur dans tout le pays : rappelons-nous que le Tchad est l’un des pays avec le plus faible taux d’accès à l’eau potable au monde.

Dans ce contexte, il est impératif de renforcer les liens entre action humanitaire et développement alors que les crises humanitaires sont liées au contexte de faible développement. Seule une action intégrée qui couvre les besoins urgents tout en répondant aux causes profondes des crises, permettra d’améliorer le développement humain au Tchad.

Sommet Mondial de l’Humanitaire et Objectifs de Développement Durable

Cette approche intégrée fait écho aux engagements pris au cours du Sommet Mondial de l’Aide Humanitaire.

En effet, cette Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire est particulière car elle se déroule juste après un moment charnière dans l’histoire de l’action humanitaire : le Sommet Mondial de l’Humanitaire, qui a eu lieu les 23 et 24 mai 2016 à Istanbul, en Turquie. J’ai moi-même participé à cet évènement historique, aux côtés de 9 000 autres participants, représentants des Etats, des Nations Unies, des ONG nationales et internationales, des organisations de la société civile, le secteur privé, le monde académique et les médias.

Le Sommet Mondial de l’Humanitaire marque le début d’un processus de transformation profonde de l’action humanitaire via l’adoption d’un Programme d’action pour l’Humanité autour de cinq grands engagements :

  1. Faire preuve de volonté politique pour prévenir et faire cesser les conflits
  2. Faire respecter les normes qui protègent l’humanité
  3. Ne laisser personne de côté
  4. Améliorer les conditions de vie – fournir une aide ne suffit plus, il faut mettre fin au dénuement
  5. Investir dans l’humanité

En plus du Sommet Mondial de l’Humanitaire et du lancement de l’Agenda pour l’Humanité, l’année 2016 marque le premier anniversaire de l’adoption des 17 Objectifs de Développement Durable, qui visent à éradiquer la pauvreté, lutter contre les inégalités et protéger notre planète.

Des engagements à l’action

A présent, nous devons mettre en œuvre ces deux programmes de façon coordonnée, en renforçant les solutions innovantes et les partenariats entre acteurs humanitaires et acteurs de développement. Il est temps de concrétiser les promesses et de passer à l’action. Ce sera un effort commun.

Pour cela, la mobilisation de tous les acteurs est capitale. L’Etat tout d’abord, a un rôle essentiel à jouer. Notre action en tant qu’acteurs humanitaires se fait toujours en appui à celle de l’Etat, car c’est à lui que revient la responsabilité première pour la protection de sa population. Je salue d’ailleurs les efforts et l’engagement du Tchad afin de maintenir la paix et la stabilité dans la région. Je remercie également le Gouvernement pour sa coopération avec les acteurs humanitaires, pour nous faciliter l’accès aux zones les plus reculées. J’appelle à présent à la mise en œuvre des initiatives et plans de réponse qui permettront la mise en place de solutions à moyen et long termes pour les personnes vulnérables.

La mobilisation des bailleurs de fonds est également primordiale. Aujourd’hui, le plan de réponse humanitaire reste largement sous-financé malgré la générosité de nos bailleurs. Un financement de la réponse à hauteur de 35% environ – la mise à jour est en cours et j’invite d’ailleurs tous les partenaires à partager en toute transparence l’état de leurs financements – reste malheureusement insuffisant pour venir en aide aux populations dans le besoin. Par ailleurs, nous avons besoin de diversifier et multiplier les sources de financement, et j’en appelle à votre générosité afin de nous permettre de fournir une assistance à ceux qui en ont le plus besoin.

Enfin, et tout particulièrement en ce jour, je voudrais à nouveau remercier et rendre hommage à chacun d’entre vous, membres de la communauté humanitaire au Tchad. Chaque jour, votre énergie et votre courage permettent de braver les dangers et les difficultés, afin de fournir une assistance à ceux qui en ont le plus besoin. Je vous en suis reconnaissant, et c’est un honneur pour moi d’œuvrer à vos côtés afin de soutenir les populations du Tchad.

Certes, la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire a lieu le 19 août. Mais notre responsabilité collective, membres d’une seule et même humanité, est quotidienne. Je saisis l’opportunité de la Journée Mondiale de l’Aide Humanitaire et lance un appel, aux côtés du Secrétaire Général des Nations Unies et au nom de la Communauté humanitaire au Tchad, à une solidarité renouvelée avec les populations affectées par les crises au Tchad.

Je vous remercie.