Discours de la part des Bailleurs de fonds humanitaires a l’occasion du lancement du plan de réponse humanitaire 2023

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Excellence Monsieur le Premier Ministre

Excellence Mr le Ministre des Affaires sociales, des actions humanitaires et de la solidarité nationale

Excellence Mesdames et Messieurs les Ministres Excellences Mesdames et Messieurs du Corps diplomatique

Mesdames et messieurs représentant des agences de coopération et des bailleurs de fonds

Chers collègues et amis de l’équipe humanitaire pays

Je suis très heureux d’avoir été chargé de m’adresser à vous à l’occasion du lancement du plan de réponse humanitaire pour 2023.

Je m’adresse à vous au nom du groupe des bailleurs de fonds humanitaires en RDC.

Ce matin, nous participons au lancement d’un nouveau plan de réponse humanitaire à l’appui du gouvernement de la RDC.

Malheureusement, nous devons encore une fois faire appel pour obtenir un montant plus élevé par rapport au HRP de l’année passée. Nous observons avec inquiétude que la situation humanitaire et sécuritaire dans l’est du pays s’est considérablement détériorée et qu’une fois de plus, davantage de personnes ont été déracinées et que davantage de familles ont dû fuir des combats intensifs avec rien de plus que ce qu’elles pouvaient porter sur leur dos.

Les besoins de ces déplacés et les familles qui les accueillent, sont très importants et couvrent de nombreux domaines et secteurs. Le montant demandé est alors assez élevé (2.25 milliard de USD) et l’un des plus élevés au monde.

L’aperçu des besoins humanitaires pour 2023 confirme que la crise humanitaire en RDC est une des crises les plus complexes, les plus importantes et les plus longues au monde.

Les conflits et l’insécurité, les catastrophes naturelles et les épidémies, l’insécurité alimentaire et la malnutrition apparaissent de nouveau comme causes principales de cette crise humanitaire qui persiste depuis trop d’années.

Le pays compte le plus grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire élevée dans le monde. (environ 27 millions de personnes)

Un nombre surprenant de 5,8 millions de personnes – le nombre le plus élevé en Afrique – ont été forcées de fuir leur foyer, dont 2,1 millions de personnes déplacées en 2022 seulement.

Lorsque nous parlons aux gens dans les camps ou dans les villages touchés, ils expriment leur immense désespoir et leur grande déception qu’apparemment aucune solution à cette crise ne puisse être trouvée.

Leur première demande est souvent liée aux défis de protection quotidiens. La préoccupation de beaucoup de congolais, dans les provinces de l’est, concerne leur sécurité et comment ils peuvent protéger leurs familles de la violence.

De nombreux incidents de violences et de violations des droits de l’homme, ainsi que du Droit International Humanitaire, ont été rapportés en 2022, et des affrontements interethniques accrus en Ituri, au Nord et Sud-Kivu, ont été enregistrés. Nous avons noté avec consternation qu’en 2022, les attaques menées contre des camps de personnes déplacées ont continué, violant ainsi leur caractère civil. Plusieurs centaines de personnes ont été brutalement tuées lors de ces attaques, des écoles ont été vandalisées et des centres de santé réduits en cendres. Dans le territoire de Djugu et Irumu, en ituri mais aussi au Nord et Sud Kivu, nous observons que plusieurs groupes armés peuvent continuer à répandre leur terreur avec impunité. Ces pertes en vie humaines et cette destruction des ménages sont alarmantes et doivent nous faire agir.

Les besoins urgents de protection, de nourriture, d’eau et d’assainissement, de santé (y compris de soutien psychosocial) et d’éducation ne cessent d’augmenter et ont atteint un niveau sans précédent. Les « alertes humanitaires » sont innombrables et beaucoup restent sans réponse en raison du manque d’accès et de l’insuffisance des moyens financiers, humains et logistiques. Ceci entraîne une grande frustration parmi les populations, et une diminution de la crédibilité des acteurs humanitaires.

Nous essayons en tant que donateurs de soutenir autant que possible le gouvernement congolais et les institutions congolaises en coopération avec une grande variété de partenaires nationaux et internationaux, pour faire face à cette situation mais nous sommes confrontés à plusieurs problèmes.

Vos Excellences, permettez-moi de partager avec vous quels goulots d’étranglement nous empêchent de faire mieux :

  1. L’appel humanitaire pour la RDC est en concurrence avec de nombreuses autres crises croissantes dans le monde et les fonds sont évidemment limités.

  2. Malheureusement il n’y aura pas d’amélioration de la situation humanitaire sans investissement dans la paix et l’amélioration de la sécurité. Une désescalade politico-militaire est nécessaire de toute urgence pour mettre fin au déroulement d’un conflit plus large en RDC et même dans la région. Cette spirale négative vers le conflit et le chaos doit être interrompue le plus vite possible.

  3. Nos partenaires sont toujours confrontées à de nombreux goulets d’étranglement administratifs. Malgré de nombreuses discussions et promesses, un bon nombre de nos partenaires continuent d’opérer avec des Arrêtes Interministérielles qui sont périmés, alors que la plupart ont initié les démarches de renouvellement depuis un ou deux ans. Les conséquences financières pour les projets que nous finançons sont réelles et couteux. Nous avons urgemment besoin de votre aide pour faciliter ces aspects administratifs et sauver ainsi du temps et de l’argent.

  4. Nos partenaires sont confrontés de plus en plus a des problèmes de sécurité : en 2022, 293 incidents de sécurité ont été signalés affectant des travailleurs humanitaires et leurs biens. Les travailleurs humanitaires sont de plus en plus ciblés par des groupes criminels et les groupes armés. En 2022, 9 travailleurs humanitaires ont été tués, 23 blessés et 21 enlevés, alors qu’ils voulaient uniquement venir à l’aide aux populations affectées. La persévérance de ces incidents a obligé les humanitaires à multiple reprise à suspendre leurs opérations dans l’est du pays. Malheureusement, nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive et que davantage de suspensions diminuent la présence des partenaires sur le terrain.

  5. Je tiens à mentionner que, très souvent, c’est le personnel humanitaire congolais qui est le plus proche des zones les plus à risque, où le personnel international ne peut plus se rendre et nous devrions donc applaudir leur engagement à aider leurs frères et sœurs. Je prends aussi l’occasion de remercier tous nos partenaires et tous les travailleurs humanitaires Congolais et étrangers pour leur sacrifice et leur dévouement.

  6. Un problème particulier demeure le déplacement massif dû à l’incursion du M23, qui a poussé plus de 600 000 personnes à quitter leurs maisons dans les territoires du Petit Nord au Nord Kivu et la ville de Goma. Malgré des efforts vigoureux pour venir en aide à ces personnes, les besoins humanitaires ne sont que partiellement couverts et l’action humanitaire doit être renforcée d’urgence. L’accès aux zones occupées doit être accordé. De nouveaux sites pour les personnes déplacées doivent être identifiés autour de Goma, approuvés par le Gouvernement et préparés par les partenaires humanitaires.

Vos Excellences Mesdames et Messieurs les Ministres, la communauté internationale des bailleurs de fonds humanitaires est prête, une fois de plus, à faire le maximum possible pour mettre à disposition les moyens nécessaires pour ce plan de réponse humanitaire.

J’ai essayé de décrire ce qui pourrait cependant nous empêcher de transformer les fonds en un programme de secours efficace et efficient.

Dans ce cadre nous voulons vous demander d’utiliser votre autorité pour faciliter l’environnement administratif dans lequel les partenaires doivent travailler, et pour préserver l’espace humanitaire. Les principes humanitaires, ainsi que les règles du Droit International Humanitaire doivent être respectés afin de maximiser l’accès et de protéger les personnes vulnérables par la présence, et par l’assistance. Nous vous demandons de nous aider en créant des conditions de sécurité et d’accès humanitaire pour atteindre les populations dans les sites, dans les villages et dans les centres collectifs.

Comme bailleurs de fonds humanitaires nous espérons qu’un jour la RDC sera un pays où les moyens financiers disponibles pourront être consacrés à des programmes de développement plutôt qu’humanitaire.

C’est pourquoi nous voulons nous assurer que le programme humanitaire est bien coordonné avec les programmes de développement et les initiatives de paix. Sans cette synergie entre les trois piliers et sans une approche conjointe entre les efforts nationaux et internationaux nous ne progresserons pas, à long terme vers des solutions durables.

Je vous remercie.