Epidémie de cholera à Kinshasa : une prise en charge gratuite pour sauver des vies

(Kinshasa, RDC, 15 août 2011) – Jeannine se sent mieux. Cela fait déjà cinq jours qu’elle est hospitalisée au Centre de traitement de cholera (CTC) de Maluku, dans la périphérie de la ville de Kinshasa. Elle a espoir de quitter le CTC le lendemain. « Je suis arrivée ici en me cachant. Je pensais que je souffrais de la diarrhée rouge », raconte-t-elle son bébé d’à peine plus d’une année entre les bras.

Agée de 32 ans, Jeanine est tombée malade sur le bateau qui l’amenait de Ndombe dans la Province du Bandundu à Kinshasa. « Au deuxième jour du voyage, j’ai commencé à avoir mal au ventre. J’avais très mal et j’ai pensé aux amibes. J’ai fait la diarrhée. J’ai décidé de prendre la tétracycline et le flagyl [ndlr : médicaments utilisés pour le traitement des infections et les amibes respectivement] pour calmer les douleurs ». Après un temps d’accalmie, la diarrhée a repris. Les douleurs aussi.

Une fois à Maluku, comme la diarrhée continuait, Jeannine s’est rendue seule au CTC. « J’avais honte d’en parler. Je ne voulais pas que les gens sachent que j’avais cette maladie ». C’est au CTC qu’elle apprendra qu’elle était atteinte de cholera.

Jeanine pense maintenant qu’elle a dû être contaminée par l’eau du Fleuve Congo, la seule source d’eau pour de nombreuses communautés riveraines. « Sur le bateau, nous n’avions que l’eau du fleuve pour tous nos besoins en eau. Même pour boire ». Par ailleurs, Jeanine affirme que d’où elle vient, elle n’avait pas appris qu’il y avait une épidémie de cholera. « Ce sont des passagers d’autres bateaux que nous avons croisés qui nous l’ont appris ».

Le CTC de Maluku est situé dans l’enceinte de l’hôpital d’Etat de Maluku I. Il a une capacité de 40 lits et est géré par l’ONG italienne Cooperazione Internazionale (COOPI) avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). L’Unicef a fourni au CTC des intrants pour la prise en charge des malades. Docteur Charles Kalambayi, Coordinateur médical COOPI et responsable du centre explique : « Ici, nous n’avons aucune crainte de connaître une rupture de stock de médicaments car l’Unicef a encore des intrants que l’on peut réquisitionner à tout moment. » Et il ajoute : « Depuis le début de l’épidémie, le Centre a reçu 85 cas dont 6 décès ». La prise en charge médicale est gratuite. De même, une cuisine assure des repas gratuits aux malades.

Le CTC dispose d’une ambulance toujours prête à répondre aux appels pour aller chercher des malades n’importe où et à n’importe quelle heure. « En cas d’une alerte au cholera, l’ambulance se déplace toujours avec un infirmier à bord parce que le malade doit être directement pris en charge. Les premiers soins commencent à bord de l’ambulance », explique Dr Kalambayi.

Kinshasa, une métropole de plus de huit millions d’habitants, est en proie à une épidémie de cholera depuis le mois de juin, une maladie qui a déjà touché près de 300 personnes dont plus d’une vingtaine de décès. Les partenaires humanitaires, en appui au Gouvernement de la RDC, sont mobilisés pour la riposte à l’épidémie.

Pour espérer couper la chaîne de transmission de la maladie, des éléments de la Croix-Rouge du Congo s’emploient à sensibiliser les communautés en faisant le tour des quartiers. Aussi, ces éléments s’emploient-ils à la désinfection des bateaux qui arrivent à Kinshasa avec des malades à bords ou des lieux d’habitation où l’on a enregistré des cas de choléra. L’ONG Solidarités International s’active à la chloration de l’eau à certains points de puisage.

Le CTC de Maluku est réparti en quatre compartiments : l’observation à la réception, l’hospitalisation, la convalescence et la partie réservé au staff et à l’administration. A cela, il faut ajouter une morgue où l’on reçoit des corps des malades qui décèdent. Si on bouge de Maluku en direction du centre-ville de Kinshasa, on trouve l’autre CTC, celui construit et géré par Médecins Sans Frontières à Kingabwa, en appui au Ministère de la santé Publique. Les mêmes démarches sont observées ici où l’on reçoit en moyenne huit malades par jour. Le jour de notre passage, une dizaine de malades se trouvaient internés.

Dans ce CTC, la sensibilisation se fait au sein même du centre. Des agents chargés de la promotion de la santé font le tour des salles pour sensibiliser les malades aux mesures d’hygiène. Ils leur recommandent de laver régulièrement les mains avec du savon, de bien chauffer la nourriture avant la consommation, de bouillir l’eau de boisson, etc. Avant de quitter le centre, les malades guéris "rendront compte" de ce qu’ils ont appris.

Parmi les malades hospitalisés dans le CTC de MSF, il y a Pélagie qui a dans ses bras un enfant d’une année et deux semaines. Elle est à son cinquième jour dans le CTC pour son enfant qui était atteint de cholera. Elle a maintenant conscience que c’est l’insalubrité de son habitat qui l’a amenée avec son fils dans ce centre. Mais quand on lui demande ce qu’elle va dire aux gens de sa communauté à son retour, elle pense tout de suite au coût des soins. « J’avais quelque crainte en venant dans ce centre. J’ai été surprise de voir qu’ici, on ne fait rien payer aux malades. Mon message pour les gens de mon quartier est qu’ils amènent ici leurs malades. Les soins sont gratuits ».

Depuis le début du mois de juin de l’année en cours, quatre provinces de la RDC sont frappées par une épidémie de cholera qui a déjà fait près de 300 morts. Plus de 5 000 malades ont déjà été enregistrés dans le Bandundu, en Equateur, en Province Orientale et dans la Ville de Kinshasa. Plus d’une vingtaine de centres et unités de traitement de cholera est opérationnelle dans ces provinces.