Le fonds humanitaire, acteur majeur dans la réponse contre l’épidémie de choléra en République Démocratique du Congo

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Quand une pirogue fait office de clinique mobile

Ils ont dû pagayer sans relâche pendant près de deux heures pour parvenir à l’Unité de traitement du choléra (UTC) le plus proche, à Bolenge, près de Mbandaka, capitale de la province de l’Equateur. « Sans notre pirogue et l’intervention rapide du personnel médical, mon fils serait mort du choléra en décembre dernier », explique le père d’un jeune garçon de 9 ans. Il a survécu à cette maladie d’origine hydrique qui menace chaque année près de 5 millions de personnes en République Démocratique du Congo.

Après avoir été soigné pendant deux jours par l’équipe de l’Agence Adventiste d'Aide et de Développement (ADRA), leurs partenaires de l’ONG OXFAM l’ont ramené sur l’îlot de Binza peuplé de quatorze ménages et en ont profité pour les sensibiliser à la maladie et aux bonnes pratiques d’hygiène.
En outre, comme le veut le protocole prévu pour chaque cas notifié, l’équipe d’OXFAM a désinfecté le domicile familial du jeune patient ainsi que les cinq habitations avoisinantes.

Dans la périphérie de Mbandaka et Lolanga, un village à près de 50 km en amont, plus de 50 000 personnes habitent ces îlots qui parsèment l’immense fleuve Congo. Ces populations démunies et isolées, dont les enfants ne vont pas à l’école et dépendent principalement des produits de la pêche, vivent sans véritable latrine ni toilette.
Hormis les fragiles cabanes en bois construites sur pilotis pour se protéger des fréquentes inondations, les infrastructures sont inexistantes et la seule eau à laquelle ils ont accès est celle du fleuve Congo. Celui-ci, long de 4 700 km, leur sert d’eau de boisson, pour faire la lessive et la vaisselle et pour tous les besoins personnels. Il n’est pas rare de voir des femmes faire la lessive pendant qu’un peu plus loin leurs enfants font des courses de natation. Avec cette allure de « tout en un », le fleuve est un vecteur majeur du choléra.

Le rôle crucial du Fonds Humanitaire RDC dans la réponse apportée

En 2016, le Fonds Humanitaire RDC, financé par la Grande Bretagne, la Suède, les Pays Bas, la Belgique, l’Irlande et le Luxembourg, a investi plus de 6 millions de dollars pour venir en aide aux populations touchées par l’épidémie de choléra le long du fleuve Congo dans les provinces de l’Equateur, de la Maï-Ndombe, du Maniema, de la Mongala et de la Tshopo. Ce Fonds -qui vient de célébrer ses dix ans- présente l’avantage d’un financement souple, efficace et opportun aux besoins humanitaires les plus critiques. Une fois de plus, dans le cadre de cette allocation, sa flexibilité et sa pertinence se sont révélées cruciales. En effet, en adaptant la durée et le montant de son allocation et en modifiant la zone géographique des interventions, son allocation a permis de répondre au mieux aux besoins des populations les plus vulnérables.

L’allocation du Fonds Humanitaire RDC a permis au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et aux ONG ADRA, ALIMA, Caritas Allemagne, the Lutheran World Federation (LWF) et OXFAM de conjuguer leurs efforts et expertise à travers divers projets de lutte contre la maladie. Leurs activités portent d’une part sur le traitement des personnes atteintes par le choléra et d’autre part sur la sensibilisation, la désinfection et l’amélioration de l’accès à l’eau potable aux populations vulnérables.

Chaque semaine, la clinique mobile d’ADRA- qui est en fait une pirogue motorisée- composée d’un médecin, d’une infirmière et d’un hygiéniste, part en expédition sur le fleuve pour porter assistance aux populations particulièrement exposées au choléra. Equipée de médicaments, d’équipements médicaux et d’un lit, la prise en charge commence sur le bateau, augmentant considérablement les chances de survie du malade. Leurs collègues présents dans les centres et unités de traitement choléra prennent ensuite le relais ce qui permet à l’équipe mobile de repartir auprès des habitants des campements isolés.

Concernant les activités d’appui et de communication sociale via les radios communautaires et des pièces de théâtre, OXFAM effectue un travail essentiel pour lutter contre la maladie. Leurs activités consistent notamment à mettre sur pied des points de chloration d’eau, distribuer des comprimés de purification d’eau, désinfecter les ménages touchés ou à risque ainsi que les bateaux et latrines publiques. OXFAM distribue aussi des dépliants et sensibilise la population dans les lieux publics comme les bateaux, les écoles, les églises, les hôpitaux et les marchés.

« Les défis majeurs dans la mise en œuvre de la réponse est d’atteindre le plus grand nombre de personnes vulnérables possible en surmontant les nombreuses difficultés logistiques. Celles-ci sont particulièrement importantes pour atteindre les milliers de campements de pécheurs éparpillés tout le long du fleuve », explique Olivier Makita, Coordinateur provincial en eau, hygiène et assainissement pour OXFAM.

Cela fait un an que l’Equateur est en proie à cette épidémie de choléra. La dernière en date remonte à 2011-2012.
Après n’avoir enregistré aucun cas pendant la dernière semaine de 2016, la Province en a enregistré 85 dont 3 décès depuis le début de l’année 2017, avec une nette augmentation observée depuis la mi-février. Face à son évolution en dents de scie, il est primordial que les autorités locales mettent tout en œuvre pour enrayer l’épidémie, notamment en poursuivant la sensibilisation et en envisageant une éventuelle campagne de vaccination dans les îlots particulièrement exposés, similaire à celle qui avait été menée fin 2016 dans la Province de Kinshasa.

« A l'heure où une nouvelle flambée de choléra menace la province, les défis sont immenses pour les professionnels de la santé. Chaque jour, nous déplorons de nouveaux cas de personnes atteintes par la maladie.
Sans cette allocation du Fonds Humanitaire RDC, nous aurions enregistré nettement plus de décès et de malades », explique Dr Fabrice MATTA, Chef de projet choléra pour ADRA.

Malgré les investissements, le choléra demeure un défi de santé publique majeur

Grâce aux 6 millions de dollars, le Fonds Humanitaire RDC a permis aux acteurs humanitaires d’apporter une assistance vitale à des centaines de milliers de personnes vulnérables.
Concrètement, ce sont plus de 5 000 personnes atteintes de choléra qui ont bénéficié d’une prise en charge médicale et près de 900 000 autres qui ont été sensibilisées à la manière de se protéger contre la maladie. Aujourd’hui, plus de 270 000 personnes ont désormais accès à l’eau potable, plus de 16 000 foyers et lieux publics ont été désinfectés, 49 structures de prise en charge du choléra ont été réhabilitées et 43 ouvrages d’assainissement ont vu le jour.

A l’issue de la mission d’OCHA dans la Province de l’Equateur, à l’heure où l’équipe quittait Mbandaka pour rentrer à Kinshasa, les médecins d’ADRA ont été appelés en urgence : douze cas suspects de choléra venaient d’être signalés à bord d’un bateau en provenance de la capitale congolaise. Parmi eux, un malade était déjà décédé avant même que le bateau ne parvienne à Mbandaka. Combien de personnes auront été affectées sur l’un de ces nombreux navires qui parcourent le fleuve et sur lesquels le risque de contamination est à la mesure de la promiscuité ? Le CTC de Mbandaka aura-t-il la capacité de tous les accueillir ? Autant de questions qui restent en suspens. A une plus grande échelle, la plus importante question reste probablement celle d’une action concertée au niveau national pour lutter contre cette maladie qui a touché plus de 28 000 personnes dont 771 sont décédées en 2016.

« Si nous ne recevons pas l'appui nécessaire à une réponse appropriée, nous redoutons de nombreux décès dans les semaines et mois à venir », explique Dr MATTA.

Elodie Sabau est Chargée de l’information publique et du plaidoyer pour OCHA RDC à Kinshasa.