Les humanitaires en guerre contre l’exploitation des enfants

« Quelques unes des plus belles maisons de Bukavu ont été construites avec la sueur des enfants qui travaillent dans les mines », a dit un Chargé de protection de l’enfant basé à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) et capable d’énumérer de mémoire les noms des douzaines de mines artisanales à traversle Sud-Kivu. Il explique que la plupart des opérations dans les mines et dans les activités qui ont poussé autour d’elles, reposent sur le travail de jeunes garçons et filles.

L’exploitation minière constitue l’essentiel de l’économie du Sud-Kivu. International Crisis Group (ICG) estime que l’exploitation minière – artisanale ou industrielle – représente « des centaines de milliers » d’emplois. Selon l’ONG World Vision, 14% de la population congolaise tirent leurs revenus de l’exploitation minière, et environ 2% passent leurs journées sous terre ou à la recherche de l’or.

La prostitution, le VIH et le SIDA, la violence physique et la drogue sont des problèmes majeurs dans les mines et ses alentours, explique le Chargé de protection de l’enfant qui a demandé de ne pas être identifié en raison de la délicatesse de son travail. Il affirme que les efforts des agences humanitaires pour remédier à ce problème se heurtent aux difficultés de financement.

“Ces questions se retrouvent à cheval entre les activités humanitaires et celles de développement à long terme”, a-t-il ajouté.

Combattre l’ « argent facile »

A Kamituga, grande ville minière à environ 200 kilomètres de Bukavu, l’ONG War Child combat le travail des enfants en soutenant les communautés à identifier et aider les enfants et adolescents à risques. L’objectif est d’amener ces enfants à s’enrôler aux cours de base ou aux formations professionnelles telles que la maçonnerie, la menuiserie, la couture et la boulangerie. En 2012, 41 filles et garçons ont achevé leur formation et travaillent à présent dans de petites coopératives où ils ont commencé à gagner leur vie.

“Les jeunes gens suivent aussi des cours d’éducation à la vie, ce qui leur permet d’améliorer leurs compétences sociales, de gérer leurs relations et de mieux comprendre leurs droits et devoirs,” a dit la directrice du programme, Lisa Carl.

Pour l’ONG EIRENE, il est important de mettre l’accent sur les solutions à long terme, combinant les actions humanitaires et de développement.

“Un ou deux semestres à l’école ne suffisent pas pour donner une vraie perspective (à ces enfants),” dit Nicole Poissonier de EIRENE. “Nos interventions réussissent bien, mais l’attrait de se faire rapidement de l’argent et les obligations familiales entraînent souvent les jeunes à reprendre ces activités et à retourner dans les mines”.

« Seigneurs de guerre et groupes armés au contrôle des mines »

Les mines – ou mieux la richesse spectaculaire qu’elles offrent – sont les principaux facteurs de l’insécurité permanente qui règne dans l’est de la RDC.

Le Groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC a régulièrement mis en exergue les liens entre la violence dans la région et l’exploitation minière, notant que les groupes armés et des réseaux mafieux font sortir frauduleusement du pays des « tonnes d’or ». Selon ICG, les groupes armés et les militaires sont devenus des « propriétaires informels » des mines.

“Les seigneurs de guerre et les groupes armés contrôlent les mines,” explique un fonctionnaire du Ministère provincial des Affaires sociales du Sud-Kivu. Le ministère, dit-il, aimerait jouer un rôle plus actif pour résoudre l’exploitation des enfants et atténuer les conséquences humanitaires de ce commerce, mais comme beaucoup d’autres organismes gouvernementaux il manque de moyens et capacités.

Renforcer la résilience

« Nous devons offrir aux gens des solutions plus durables », a dit Florent Méhaule, le Chef de sous bureau OCHA au Sud-Kivu. « Il est clair que nous ne pouvons répondre à l’exploitation des enfants sans prendre en compte d’autres problèmes auxquels font face les communautés locales », a-t-il ajouté. Sous la gestion de OCHA, le Fonds commun humanitaire – un ensemble de ressources au niveau national en provenance de plusieurs bailleurs – finance actuellement des projets pluriannuels, alors que traditionnellement, les projets humanitaires ne durent que quelques mois, à la limite une année.
L’idée, explique M. Méhaule, est d’encourager les humanitaires à mettre en œuvre des projets qui répondent aux conséquences immédiates d’une crise tout en cherchant à renforcer la résilience des communautés affectées.

« Il y a un besoin clair pour les humanitaires d’aider les enfants qui travaillent dans ces mines », a dit M. Méhaule, « en s’efforçant à leur proposer des alternatives plus viables ».

C’est aujourd’hui la Journée mondiale contre le travail des enfants – le 12 juin. On estime que 215 millions d’enfants sont victimes du travail des enfants; 115 millions d’entre eux travaillent dans des conditions dangereuses, comme dans les mines de l’est de la RDC. Lien à ILO.