Mot de M. Bruno Lemarquis, Coordonateur humanitaire, RD Congo Au lancement du plan de reponse humanitaire 2023-2024 Mercredi 22 fevrier, Kinshasa

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  • Excellence Monsieur le Premier Ministre, représenté,

  • Excellence Monsieur le Ministre des Affaires Sociales, Actions Humanitaires et Solidarité Nationale,

  • Mesdames et Messieurs les représentants des institutions étatiques,

  • Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et représentants du Corps Diplomatique,

  • Chers représentants des partenaires techniques et financiers,

  • Chers Collègues et partenaires dans l’action humanitaire, organisations nationales, internationales et des nations unies

  • Distingués invités en vos titres et qualités respectif,

    Je vous remercie d’avoir répondu présent à cette cérémonie de lancement du Plan de Réponse Humanitaire 2023-2024 pour la République démocratique du Congo.

    Nous sommes réunis ici car des centaines de milliers d’hommes, de femmes, et d’enfants continuent de vivre, aujourd’hui, en RDC, dans des conditions tres difficiles, parfois infrahumaines, essentiellement du fait des conséquences des conflits.

    Votre présence ici aujourd’hui est donc l’expression de votre engagement à contribuer à alléger les souffrances de ces populations affectées.

    Car la RDC, malgré son énorme potentiel humain, ses énormes ressources naturelles, les multiples opportunités que le pays recèle comme pays solution, malgré toutes les avancées que le pays connait, y compris en matière économique, la RDC continue à connaitre l’une des crises humanitaires les plus complexes, longues et sévères au monde. Pourtant, bien que les souffrances soient les mêmes, cette crise est moins visible que d’autres, plus négligée que d’autres et donc moins soutenue.

Je voudrais en premier lieu vous remercier tous pour votre engagement et votre soutien en faveur de la réponse humanitaire en RDC.

Les autorités nationales tout d’abord, et je voudrais souligner notre tres riche collaboration avec le ministère des Affaires Humanitaires en particulier, ainsi qu’avec les autres ministères et institutions concernées, mais également les autorités provinciales et locales, avec lesquelles nous travaillons de manière rapprochée et coordonnée pour apporter des secours et trouver des solutions.

Les acteurs humanitaires ensuite, qui chaque jour sont au service des populations congolaises affectées, et mettent parfois leur vie en danger pour accomplir leur mission compte tenu des multiples défis auxquels ils font face. Rendons-leur ici hommage, et notamment à nos collègues qui ont perdu la vie en 2022 au service de la cause humanitaire. Je remercie en premier lieu les communautés elles-mêmes, qui sont les premières à faire montre d’entraide et de solidarité, dans un pays où 90% des déplacés internes vivent dans des communautés hôtes. Je voudrais notamment souligner le rôle des femmes donc cette solidarité et l'action humanitaire. Je remercie les organisations locales et nationales, qui sont en première ligne pour aider leurs frères et leurs sœurs dans le besoin, et doivent être appuyées et soutenues dans le cadre de ce que nous appelons les efforts de localisation. Je remercie également les ONG internationales, qui jouent un rôle essentiel dans l’écosystème humanitaire en RDC. Et enfin les agences des Nations Unies pour tout le travail accompli.

Enfin je voudrais remercier les partenaires et bailleurs de fonds pour leurs contributions financières au plan de réponse humanitaire 2022 - y compris à travers le Fonds humanitaire, qui est un outil essentiel pour une réponse coordonnée, notamment en appui aux organisations locales. Vos contributions ont permis à sauver des vies et à redonner de l'espoir. Grâce à celles-ci, le plan de réponse 2022, financé à hauteur de 49%, a permis, sur les 8 millions de personnes que nous souhaitions atteindre, d’apporter notamment une assistance alimentaire à environ sept millions de personnes ; une assistance nutritionnelle à environ deux millions de personnes, dont une majorité d’enfants ; et une assistance en eau potable, services d’hygiène et soins de santé à plus de 2,5 millions de personnes.

Monsieur le Ministre Mesdames et Messieurs

La cause principale de cette crise humanitaire est bien connue, c’est la persistance, depuis des décennies, des conflits dans l’Est de la RDC. Durant les douze derniers mois il y a eu une détérioration rapide de la situation, avec la résurgence de la violence armée dans les provinces de l’Est, mais aussi l'émergence de tensions dans des zones normalement stables, notamment dans les provinces du Mai-Ndombé et Kwilu.

En particulier, la résurgence du mouvement M23, il y a environ un an, a eu des conséquences humanitaires directes et massives, à travers des déplacements de population très importants dans le Nord-Kivu, mais également des conséquences indirectes sur d'autres provinces, au Sud-Kivu et surtout en Ituri, où le rythme des violences, des attaques et des massacres par certains groupes armés contre les populations civiles, y compris des populations déplacées, s’est accéléré, et où les violations du droit international humanitaire sont légion.

Du fait de cette situation de conflits, mais également de catastrophes naturelles et de déficits de développement qui entrainent des besoins chroniques, voici les grands chiffres de cette crise et des vulnérabilités en RDC :

  • 26 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, le chiffre le plus élevé au monde. Parmi lesquelles environ 4 millions sont dans la phase d’urgence.

  • La malnutrition aiguë touche 6,4 millions de personnes, principalement des enfants de moins de 5 ans.

  • La RDC compte le plus grand nombre de personnes déplacées internes sur le continent africain, avec 5.7 millions de personnes. Le pays accueille également plus de 500 000 réfugiés des pays voisins.

  • Les épidémies évitables telles que rougeole, fièvre jaune, choléra et paludisme continuent de prélever un lourd tribut sur la population.

  • Chaque heure en RDC, quatre femmes meurent de grossesse ou en couches. Le pays a l'un des taux de mortalité infantile les plus élevés au monde : 70 pour 1 000 naissances vivantes. Les crises multiples continuent également d'exposer les femmes et les filles au risque de violence sexuelle, y compris le viol, qui est utilisé comme arme de guerre.

  • Derrière chacun de ces chiffres il y a des visages, des hommes, des femmes, des enfants, des personnes vivant avec un handicap, des personnes vulnérables qui ne rêvent que d'une chose, retourner chez elles et reprendre le cours normal de leur vie.

Monsieur le Ministre Mesdames et Messieurs,

La réponse humanitaire en RDC fait face à de multiples défis, insécurité, accès humanitaire, difficultés liées aux contraintes physiques, logistiques ainsi qu’administratives, mais aussi les multiples violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Les autorités ont un rôle essentiel à jouer pour garantir un accès rapide, sûr et sans entraves à toutes les personnes affectées ou qu’elles se trouvent, dans le respect des principes humanitaires. Elles sont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre l'impunité. Nous poursuivrons notre dialogue constructif sur ces questions, y compris au sein du CNCH, le cadre national pour la coordination humanitaire, que nous souhaiterions voir redynamisé, sous le leadership de son Excellence Mr. Le Premier Ministre, pour permettre des échanges entre les partenaires humanitaires et le gouvernement et trouver des solutions

La situation est complexe et la tâche difficile. C’est pour cela que nous avons continué d’unir nos efforts – Gouvernement, ONG nationales et internationales, et agences des Nations Unies – afin de développer une stratégie de réponse humanitaire commune pour 2023 et 2024. Le Plan de Réponse Humanitaire présenté aujourd’hui repose sur des objectifs clairs et simples :

  1. Sauver des vies,
  2. Respecter les droits fondamentaux, et
  3. Préserver la dignité humaine.

Chaque congolaise et chaque congolais est au cœur de notre vision, leur protection est notre obligation, et une meilleure redevabilité envers les populations affectées est notre devoir.

Nous avons défini dans le plan de réponse des priorités claires et précises, pris en compte nos capacités de réponse, et adapté nos modes opératoires dans un contexte de plus en plus difficile, y compris à travers un renforcement de la complémentarité de nos actions avec celles des acteurs de développement.

En 2023, 2.25 milliards de dollars américains seront nécessaires pour cibler 10 millions de personnes qui font face à des multiples facteurs de vulnérabilités.

J'exhorte et je remercie les partenaires donateurs à renouveler leur générosité et à répondre à la hauteur des besoins pour apporter un changement positif dans la vie des populations affectées. Nous connaissons les pressions et la compétition auxquelles vos ressources sont soumises, du fait de la multiplication des crises dans le monde. Et nous vous remercions d’autant plus pour votre plaidoyer, que nous sommes disposés à appuyer, ici et au niveau des sièges. J’engage également le gouvernement a appuyer ces efforts.

Pour finir je voudrais dire que bien que l'aide humanitaire soit primordiale pour sauver des vies et soulager les souffrances des populations touchées par les violences, elle n'est pas la solution aux problèmes humanitaires.

Les solutions politiques pour le retour à la paix et à la sécurité ; des programmes d’accompagnement à l’échelle pour la stabilisation, tel que le PDDRCS ; des approches systématiques et coordonnées pour s’attaquer aux causes structurelles profondes, aux causes des conflits, que j’aime appeler les nœuds gordiens, telles que la question foncière, la question de l’exploitation et la gestion des ressources naturelles ou encore la question des flux financiers illicites ; des solutions gagnants-gagnants en termes de développement économique et de croissance inclusive et génératrice d’emplois, s’appuyant sur le potentiel de la RDC comme pays solution ; des investissements massifs dans la prévention et le développement pour appuyer la mise en œuvre des objectifs du développement durable, la combinaison de tout cela conduirait à une diminution drastique des besoins humanitaires. D’où l’importance à ce que les acteurs humanitaires, les acteurs de développement et les acteurs de paix travaillent ensemble dans le cadre du nexus, pour trouver des solutions durables à l’échelle, s’attaquer aux vulnérabilités à l’échelle, et réduire les besoins humanitaires.

Merci pour votre attention. Merci pour votre solidarité. Merci pour votre générosité. On est ensemble.