RD Congo : Une vie des déplacés à Minova, Sud-Kivu

Cinq mois déjà, depuis que Jacques Tshimpumpu Mwemezi a fui le groupement de Kamuronza, dans le territoire de Masisi, dans le Nord-Kivu. Depuis, il vit dans un camp spontané de réfugiés à Minova, dans la province voisine du Sud-Kivu. Il a dû marcher toute une journée à pied en ce jour de décembre 2007 pour rejoindre Minova. En sa compagnie : sa femme et ses 3 enfants.

« Nous avons quitté notre village de Karuba à 17 heures pour arriver à Minova le lendemain à 18 heures 30. Comme j'ai des jeunes enfants, nous avons dû les porter à tour de rôle avec ma femme. Le peu d'argent dont nous disposions, a servi à acheter la nourriture chemin faisant pour les enfants. Les grandes personnes pouvaient supporter. » C'est dans ces conditions que Jacques et sa famille sont arrivés à Minova.

Sur place d'autres personnes déplacées les y avaient précédés. Elles se sont installées en construisant des cases de fortune, créant ainsi un camp spontané des déplacés. Des abris de fortune d'à peine 4 mètres carrés par ménage, juste un petit espace pour se protéger contre les intempéries et s'abriter la nuit. IRC est venu installer deux portes de latrines pour plus de 600 ménages. Malgré cette précaution, des cas de choléra sont rapportés dans la localité de Minova dont la plupart viendrait du camp des déplacés.

A Minova, l'accès à l'eau potable est une équation même pour les populations autochtones. La proximité du lac ainsi que toutes les petites rivières qui traversent la cité sont les principales sources d'approvisionnement en eau. D'où la prolifération des maladies d'origine hydrique dont le choléra.

Depuis le 17 mars, les organisations humanitaires ont arrêté toute assistance aux déplacés de Minova à cause d'un problème avec les listes. Le PAM et IRC avaient apporté une assistance en vivres et en biens non alimentaires : farine de maïs, sel, haricot, huile, casseroles, couvertures, etc. L'assistance ne pouvant être organisée efficacement si le nombre de bénéficiaires n'est pas bien connu. Une nouvelle identification est finalisée mais en attendant l'assistance, les déplacés doivent survivre. Alors, ils se débrouillent.

La mendicité à travers la cité est l'une des façons mais beaucoup préfèrent travailler pour nourrir leur petite famille. Mais le choix est limité. La majorité des déplacés se mettent au service des autochtones pour les travaux des champs. Cette "corvée" leur rapporte quelque 500 FC (un peu moins d'un dollar par jour). C'est mieux que rien mais, le plus souvent, ces autochtones paient difficilement ces 500 FC par jour. D'autres, à compter sur les bouts des doigts d'une main, organisent un petit commerce au sein même du camp. Ainsi, par exemple, cette dame qui, dans sa fuite a emporté comme seul bien une machine à coudre, tient un atelier de couture. « La clientèle est rare mais on a quand même quelques clients. »

D'autres n'attendent que les mardis et vendredis, jours de marché à Minova pour se faire un peu de sous. Ils s'adonnent alors au transport des marchandises des commerçants. 8 km à pied avec un sac sur le dos peut rapporter 300 FC. Il faut être costaud.

Tout le monde n'a pas une activité. D'autres passent des journées entières assis dans le camp, écoutant au loin les décibels déversés par un mégaphone qui fait office de "radio publique". En fait de radio, il s'agit d'un particulier qui a placé un mégaphone sur un mat d'une vingtaine de mètres de haut. Alors, il diffuse de la musique à l'aide des batteries interrompue de temps en temps par des annonces personnelles concernant sa famille.

Malgré tout, la pensée des déplacés reste tournée vers le jour de leur retour. Après la conférence de paix de Goma, beaucoup avaient pensé, aussitôt la conférence finie, la paix revenue, rentrer dans leur village. Mais aujourd'hui, certains commencent à déchanter. « On ne sait pas à quoi a servi cette conférence, si l'on ne sait toujours pas renter chez nous. », affirme un déplacé. La situation n'a pas changé dans les localités de provenance de tous ces déplacés dans le territoire de Masisi : Karuba, Gungu, Ufamandu, Matonda, Kibabi, Mushagi....

Un peu nostalgique, Jacques affirme : « Même à cet instant, si on nous disait que le CNDP a quitté notre village, on rentre immédiatement. Mais aussi longtemps que le CNDP est là, on reste. Même si cela doit durer tout le reste de la vie. »

Là-bas, d'après les informations qui continuent à parvenir aux déplacés, les exactions du CNDP à l'endroit de la population se poursuivent. On parle des travaux forcés. Les éléments du CNDP mobiliseraient toujours la population pour le transport de leurs ravitaillements et l'utilise pour l'entretien et le traçage de nouvelles routes. A cela, il faut ajouter la folle rumeur largement répandue comme quoi le CNDP a décidé de castrer tous les jeunes gens. Cela suffit pour dissuader les déplacés de retourner dans leur village même si le conflit armé entre les différents groupes connaît un petit moment de répit. Mais on ne sait jamais.

Pour plus d'information sur le sujet, prière de contacter :

M. Ntumba Mudingayi
Information Publique
OCHA RDC