RDC : 80% de l'aide humanitaire suspendue à l'est

Près de 80 % de l'aide humanitaire couvrant 3, 3 millions de personnes vulnérables à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) a été suspendue. Cette situation découle directement des événements de Bukavu, chef-lieu de province du Sud Kivu. Après la prise du contrôle de Bukavu, le 2 juin, par deux officiers insurgés de l'armée congolaise, nombre de provinces ont en effet été affectées par de violentes manifestations anti-onusiennes et des combats entre groupes armés.
Suspension forcée des actions humanitaires

L'insécurité régnante, les attaques et les pillages des installations des Agences du Système des Nations Unies et des ONG, notamment dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, du Maniema et au nord du Katanga, à l'est du pays, ont amené les organisations humanitaires à suspendre leurs activités et à relocaliser temporairement leur personnel dans des zones plus sûres.

Plus de 30 organisations internationales dans l'est de la RDC ont été relocalisées depuis la semaine dernière. Près de 193 personnels internationaux humanitaires ont été déplacés à Goma, le chef-lieu de la province du Nord Kivu, alors que le personnel non essentiel et 17 ONG ont été évacuées du Sud Kivu. Les 5 millions d'habitants estimés de cette province sont entièrement coupés de l'assistance, a rapporté la section humanitaire de la MONUC, la mission des Nations Unies en RDC.

Tous les secteurs de l'aide humanitaire sont touchés, parmi lesquels la sécurité alimentaire, la santé, l'eau, l'éducation et la protection.

Le nombre de personnes ayant besoin d'aide pourrait cependant être plus important du fait des affrontements.

Des déplacements de populations auraient été observés dans le Sud Kivu et au nord Katanga, sans qu'il soit possible pour l'heure de les vérifier en raison de l'insécurité.

Par ailleurs, outre les victimes et les blessés, des sources humanitaires ont rapporté des cas de viol et autres violations des droits de l'homme. Concernant Bukavu, le chef de la Section Droits de l'Homme à la MONUC et la responsable des enquêtes spéciales effectuent à l'heure actuelle une première évaluation dans la ville. Le Haut Commissariat des Droits de l'Homme, qui commence à récolter des informations, a lui pour sa part demandé à être associé aux missions d'enquête.

La communauté humanitaire sous la coordination du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) multiplie néanmoins les démarches dans le but de revenir le plus rapidement possible, avec les organisations humanitaires, auprès de ces populations vulnérables.

En plus de l'urgence d'une assistance à une population dans un besoin toujours plus grand, la présence des humanitaires constitue un facteur préventif à des exactions, dans des zones o=F9 les civils subissent les déviances des différents groupes armés.

La reprise des activités sur le terrain sera cependant conditionnée par la situation sécuritaire.

Des mouvements armés sont observés dans tout l'est de la RDC, bien que la ville de Bukavu connaisse une accalmie relative depuis le retrait des troupes insurgées et l'arrivée concomitante des hommes de la 10ième région militaire.

Le Comité International de la Croix Rouge envisage pourtant d'effectuer une mission d'évaluation sur un axe au nord de Goma, jusqu'à Minova. L'ONG World Vision a elle organisé une mission à Rutshuru et à Masisi au nord de Goma.

Une réunion de la communauté humanitaire organisée par OCHA le 6 juin a dégagé une position commune concernant le type de relations à entretenir avec les forces armées de façon à pouvoir initier à nouveau des actions humanitaires sur le terrain.

Réaffirmation de l'identité humanitaire

L'objectif à travers cette rencontre était aussi de réaffirmer une identité humanitaire claire vis-à-vis des populations civiles et des autres institutions locales et internationales, afin d'éviter à l'avenir les écarts qui ont conduit pendant une semaine à la destruction et au pillage des installations des organisations humanitaires.

La création d'un comité de liaison, composé de six personnes représentant les autorités civiles, militaires et les organisations internationales, a ainsi été proposée. Cette plate-forme permettra un échange quotidien d'informations humanitaires et sécuritaires devant assurer la sécurité des missions. Des échanges impromptus seront également possibles en vue d'apporter, si nécessaire, une réponse rapide à une situation donnée.

En marge du comité, une réflexion sur un échange rapide d'informations sécuritaires et humanitaires a été menée. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de proximité rendue possible par la désignation, dans les territoires, de points focaux humanitaires et de sécurité.

Sur un plan humanitaire, les Nations Unies et la Délégation de la Commission Européenne discutent avec les autorités de Kigali, l'ouverture aux humanitaires de la frontière rwando-congolaise. Kigali avait en effet décidé de fermer ses frontières après avoir été accusé par Kinshasa d'avoir soutenu, sur le sol congolais, les troupes insurgées à Bukavu.

Plaidoyer pour le respect des principes humanitaires

Les événements de Bukavu et leurs répercussions dans le pays ont encore une fois montré la situation difficile dans laquelle se retrouvent la population civile et la communauté humanitaire pourtant protégées par le Droit International Humanitaire, dont les Conventions de Genève et ses protocoles additionnels.

Des actions de plaidoyer sur le respect des principes humanitaires, en particulier la neutralité, l'impartialité et l'indépendance des organisations humanitaires, seront ainsi entreprises notamment par OCHA. Les autorités civiles et militaires seront également incitées à le faire.

Les principes relatifs à l'intervention humanitaire d'urgence en RDC établis en 1998 feront l'objet d'une actualisation. Ils rappelleront les droits et devoirs à observer par les instances politiques, militaires et humanitaires au sein d'un cadre humanitaire commun dans le dessein de favoriser à l'avenir une action humanitaire mis à mal par les récents événements.

Parce que le mieux-être des populations vulnérables est la raison d'être des acteurs humanitaires, les principes d'accessibilité, de protection et de neutralité ne doivent plus rester lettre morte.