RDC: Exclusion ethnique, le pire à éviter

Des signes d'exclusion ethnique de plus en plus visibles à l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC) pourraient engendrer des conséquences humanitaires d'une extrême gravité, s'ils étaient poussés à leur paroxysme.
Résultat d'un processus de marginalisation politique et économique, les événements de Bukavu en juin 2004 n'ont finalement été que la matérialisation militaire d'un sentiment de rejet des populations dites rwandophones et notamment Banyamulenge, des tutsis congolais.

La distribution de tracts à caractère xénophobe dans les principales villes de l'Est ne peut qu'ajouter à l'inquiétude grandissante de la situation. Un phénomène de rejet qui ne vise par ailleurs plus exclusivement les rwandophones comme l'illustre la circulation de pamphlets contre les Bashi à Goma.

La poursuite des affrontements entre les hommes du général Nkunda, se présentant comme leur défenseur, et le reste des Forces Armées de la RDC, ont ébranlé les possibilités d'une cohabitation pacifique entre ces composantes congolaises.

Force est en effet de constater que les milliers de personnes déplacées ou réfugiées dans les pays voisins en raison de l'insécurité créée par ces combats ont aujourd'hui d'immenses difficultés à retrouver leur place dans leur société.

En témoigne la vive animosité manifestée le 24 septembre par la population de Uvira, lorsque 366 réfugiés Banyamulenge survivants du massacre de Gatumba au Burundi ont désiré rentrer chez eux. Le climat de forte tension dans la ville avait alors incité les autorités de la 10ième région militaire à ne pas leur ouvrir la frontière avant que la population ne soit sensibilisée à ce retour. Ils passeront deux nuits dehors sous la pluie avant d'être transférés dans un camp de transit placé sous haute surveillance. A partir du 3 octobre, certains regagneront des quartiers de Uvira, Bibokoboko ou iront, sous escorte militaire, à Minembwe, dans les moyens plateaux, une zone placée sous le contrôle du général Mazunzu, lui-même un munyamulenge.

Cet épisode risque pourtant de n'être que le préambule d'une crise humanitaire plus importante. Alors que le HCR avait estimé que les conditions sécuritaires n'étaient pas favorables à un retour de ces réfugiés, 1.200 autres, d'origines ethniques diverses, se sont présentés à cette frontière le 7 octobre. Les FARDC et la MONUC tentent de les persuader actuellement de retourner dans leur camp pendant quelques jours le temps nécessaire à la préparation de leur retour.

Compte tenu des réactions virulentes du 24 septembre, une large sensibilisation de la population et un plaidoyer actif auprès des autorités civilo-militaires, sera nécessaire afin de permettre l'accueil de ce groupe dans la province du Sud Kivu dans de meilleures conditions.

Outre les conséquences dramatiques d'un éventuel rejet de la population face à cette arrivée massive, se pose la question de l'assistance humanitaire à ces personnes et de leur réintégration dans les milieux d'origine. Leurs habitations ont bien souvent été investies par d'autres occupants ce qui laisse augurer de nombreux problèmes fonciers.

Cette situation humanitaire pourrait s'aggraver dans l'hypothèse o=F9 les autorités choisiraient, comme cela avait été annoncé, de rapatrier d'abord 3.600 réfugiés congolais de Tanzanie par mesure d'équité mais aussi pour relativiser le retour des Banyamulenge.

Ce malaise lié aux exclusions ethniques se vérifie également sur le territoire national. Des mouvements de populations sont ainsi caractéristiques de ces antagonismes. La reprise du territoire de Kalehe par la 10ième région militaire et le retrait des troupes du général Nkunda vers le nord ont entraîné deux types de déplacement. Les civils rwandophones ont fui à titre préventif vers le Masisi et le Nord Kivu. Dans le même temps les populations non rwandophones qui avaient été déplacées au mois de juillet sur les berges du lac Kivu et sur les îlots rentrent dans leur village d'origine depuis le départ des troupes insurgées.

La réaction aussi, de certains habitants de Bukavu qui ont lancé des pierres sur un véhicule de la MONUC transportant un civil ayant la physionomie Tutsi trahit l'état d'esprit général dans lequel se trouve la population.

Ce phénomène d'exacerbation des différences ethniques n'est pourtant pas irréversible. Une implication plus forte de la communauté internationale pourra inverser la tendance. Un renforcement de la présence des acteurs internationaux et notamment humanitaires, dans les zones sensibles, est ainsi souhaitable. L'expérience montre en effet une nette réduction des exactions du seul fait de l'implantation d'organisations dans des zones données. Cette première proposition devra ensuite être soutenue par la mise en oeuvre des moyens d'action de la communauté internationale parmi lesquels figurent les pressions et le plaidoyer.