RDC: La communauté humanitaire se réorganise à l'est

La communauté humanitaire à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) a posé ce week-end des stratégies devant lui permettre de continuer ou de reprendre ses activités dans cette partie du pays.
L'aide humanitaire a, en effet, été quantitativement et qualitativement affectée à l'est de la RDC à la suite des événements de Bukavu et de leurs conséquences dans tout le pays.

Près de 200 travailleurs humanitaires, évoluant dans 30 organisations internationales, ont ainsi dû être relocalisés à Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu. Entre le repli total ou la poursuite des programmes par le personnel national, des organisations humanitaires se sont pourtant employées ces derniers jours à effectuer des missions ponctuelles, de courte durée, pour mesurer l'ampleur des besoins.

Des organisations découvrent l'ampleur des besoins

Le chef de mission de l'ONG AVSI, une organisation italienne présente à Walikale dans la province du Nord Kivu et oeuvrant dans le secteur de la sécurité alimentaire, s'est rendu sur place depuis Goma pour constater la destruction totale de ses installations et étudier les possibilités de retour.

Une autre ONG, World Vision, a organisé ce week-end une mission d'évaluation, dans trois villages sur l'axe Kalehe-Bukavu. Les mouvements de troupes avaient entraîné le pillage de la nourriture et celle du bétail. Le même sort avait été réservé aux récoltes encore sur pieds. Selon l'ONG encore, des viols systématiques de femmes âgées de 3 à 75 ans ont été commis. Tous les villages entre Minova et Bukavu ont perdu leurs ressources alimentaires, a ajouté l'ONG.

Le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) avait, quant à lui, participé à une réunion à l'Inspection Provinciale de la santé du Sud Kivu. La situation sanitaire dans la province est particulièrement alarmante : de nombreux centres de santé ont été pillés. Beaucoup de blessés par balles ont été enregistrés, des cas de viols ont également été signalés dans des centres de santé. Certains d'entre eux fonctionnent au ralenti, d'autres sont en rupture de médicaments.

Ces quelques exemples montrent l'ampleur des besoins dans une zone limitée à une partie de Sud Kivu et laissent entrevoir leur étendue ainsi que la nécessité d'une reprise rapide de l'assistance humanitaire.

Animés par la volonté d'alléger les souffrances des communautés vulnérables, les acteurs humanitaires sous l'impulsion du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) ont ainsi adopté ce samedi un cadre humanitaire commun à cette fin.

" Les humanitaires qui travaillent dans des conditions très difficiles à l'est de la RDC sont des femmes et des hommes d'honneur, qui ont su garder la foi dans leurs convictions en restant attachés à leur indépendance, leur neutralité et leur impartialité ", a commenté Jahal de Meritens, chef de OCHA en RDC.

Rappeler la neutralité, l'impartialité et l'indépendance des humanitaires

L'idée force consiste en la promotion des règles du Droit International Humanitaire (DIH) d'o=F9 découlera une série de démarches pratiques. Le DIH protège en effet les populations civiles et la communauté humanitaire de toutes agressions. Or, les récents événements ont démontré une méconnaissance ou un irrespect de ces normes. Les civils ont été et sont encore victimes des pillages, de violences sexuelles et autres violations des droits humains, alors que les humanitaires, pourtant neutres, impartiaux et indépendants ont fait l'objet d'attaques dans la plupart des villes du pays.

A ce titre, un document élaboré en 1998 pour la RDC, rappelant les droits et devoirs humanitaires que doivent respecter les autorités politiques, militaires et humanitaires sera actualisé. Sa diffusion à tous les niveaux et son application par tous, devront poser les bases d'un cadre humanitaire commun facilitant la reprise ou continuation des actions humanitaires.

En appui à ce document, un plaidoyer sur le respect des principes humanitaires sera engagé au niveau national, provincial et local. Il visera à sensibiliser la population ainsi que les autorités civiles et militaires à ces règles. Cette action entend également inciter ces autorités à relayer, chacun dans sa sphère d'influence, la diffusion de ces principes.

L'objectif est ainsi d'obtenir en amont une large communication de ces principes et en aval une application effective sur le terrain, renforcée par des consultations élargies de manière à permettre aux actions humanitaires de se dérouler dans de bonnes conditions et à protéger la population.

Cette politique de promotion des valeurs humanitaires réaffirmera, par ailleurs, une identité humanitaire claire pour éviter les dérapages des jours précédents.

Les attaques de la population contre les installations humanitaires ne semblent pourtant pas avoir résulté d'une animosité particulière à l'égard de la communauté humanitaire.

A Kindu, chef-lieu du Maniema, o=F9 cette communauté a été fortement touchée, des réunions d'étudiants après les manifestations leur ont permis de mesurer les conséquences de s'en être pris aux humanitaires. Les autorités locales quant à elles, conscientes du vide causé par l'absence des acteurs humanitaires, sensibilisent déjà les administrés à la nécessaire protection des humanitaires pour les inciter au retour.

S'exprimant après les attaques contre les organisations humanitaires, Jahal de Meritens affirmait : " Les humanitaires ne sont pas rancuniers. Autant ils regrettent la perte d'un matériel et d'un équipement nécessaires au soutien des populations vulnérables, autant ils ont conscience du caractère urgent et indispensable de leur présence auprès de ces populations".

Une communauté humanitaire plus proche de la population

Fort de cet élan, la communauté humanitaire a été encore encouragée à renforcer sa politique de communication externe et interne.

A l'externe, des efforts seront entrepris pour expliquer à l'ensemble de la population locale et nationale les tenants et les aboutissants de l'action humanitaire. Cette ouverture vers l'extérieur pourra, entre autre, prendre la forme de points de presse ou de " journées humanitaires ".

A l'interne, des mécanismes d'échange d'informations sécuritaires et humanitaires au sein d'une part, de la communauté humanitaire et d'autre part, dans un cercle réunissant l'ensemble des acteurs civils et militaires, offriront la possibilité d'apprécier la situation sécuritaire, l'opportunité des missions d'évaluation et des actions subséquentes à conduire.

Le passif financier des événements de la semaine dernière est toutefois d'ores et déjà important bien qu'aucune estimation ne soit pour l'heure connue. Un effort financier sera nécessaire pour soutenir les actions entreprises à l'est de la RDC pour qu'un jour les populations vulnérables puissent vivre plutôt que survivre et accéder à la dignité.

Les raisons de la suspension de l'aide humanitaire à l'est du pays

Bukavu, le chef-lieu de la province du Sud Kivu, était tombé le 2 juin sous le contrôle du général Laurent Nkunda et du colonel Jules Mutebutsi, deux officiers insurgés de l'armée congolaise. Le général Nkunda avait justifié cette opération militaire en raison d'exactions perpétrées à l'encontre des populations Banyamulenge, des congolais tutsi rwandophones.

Avant que la ville ne repasse sous le contrôle du commandant de la 10ième région militaire, le général Mbudja Mabe, le succès militaire des troupes insurgées avait déclenché de vives manifestations estudiantines contre la mission des Nations Unies en RDC et la communauté internationale dans son ensemble, accusées par les étudiants de n'avoir pas su prévenir et gérer la situation.

De nombreuses installations humanitaires avaient été saccagées alors qu'au même moment les conditions sécuritaires se dégradaient par la résurgence de combats et un déploiement massif de troupes, notamment à l'est.

Conséquence de ce départ forcé des humanitaires, quelques 3,3 millions de personnes vulnérables couvertes par une assistance humanitaire s'en trouvaient pratiquement dépourvues à l'est du pays o=F9 l'on dénombre 1,4 millions de déplacés internes. Le nombre de personnes dans le besoin est pourtant plus important. Ne rentre en effet pas dans ce nombre, les populations qui ne bénéficiaient pas d'une l'assistance humanitaire avant les événements de Bukavu et celles qui sont devenues vulnérables du fait des nouveaux combats.