RDC Maniema: Des besoins urgents dans une province sinistrée et enclavée

L'absence quasi-totale d'infrastructures dans la province enclavée du Maniema, à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) constitue le principal frein à l'action humanitaire. Le manque de moyens financiers et humains compte tenu de l'immensité des besoins appellent une réaction urgente, ont estimé dimanche les membres d'une mission conjointe de DfID, le ministère britannique à la coopération internationale et de OCHA.
L'ensemble des représentants de la communauté humanitaire rencontrés à Kindu, chef-lieu de la province, a ainsi souligné le problème de l'accessibilité géographique par voie terrestre. Il est impossible d'atteindre les chefs-lieux de territoire à partir de Kindu, les routes mais surtout les nombreux ponts ayant été détruits durant la guerre ou laissés à l'abandon.

Facteur handicapant à l'intervention humanitaire, quelques projets de réhabilitation de voies ont toutefois été mis en oeuvre mais demeurent insuffisants. Acted intervient ainsi dans le territoire de Pangi. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et son partenaire opérationnel Care restaurent les axes Lusangi / Kambare et Punia / Kasese, dans le cadre des programmes « Vivres contre travail ». Un projet est en étude pour l'axe Kasongo/ Kindu. Le PNUD dispose également de cinq projets communautaires à l'occasion des activités de réinsertion du Programme Intérimaire de DDR.

La reprise de la liaison ferroviaire entre Kisangani et Kindu, programmée pour le 11 novembre devrait cependant contribuer à améliorer les possibilités d'acheminer l'assistance humanitaire dans cette région. Une véritable avancée ne sera en revanche réellement franchie que lorsque les barges entre Kindu et Ubundu seront à nouveau opérationnelles. Ce faisant, des marchandises et l'aide humanitaire pourront être transportées par bateau et par train à partir de Kinshasa, la capitale, en passant par Kisangani (province orientale) , Kindu jusqu'à Lubumbashi (province du Katanga).

Ces difficultés d'accès ne font par ailleurs qu'aggraver une situation humanitaire à laquelle à la communauté humanitaire répond au mieux avec les moyens dont elle dispose.

« La faim se fait sentir dans la province », a déclaré à la mission le gouverneur de la province. La guerre et les pillages ont dépossédé les agriculteurs de leurs outils de travail. Les taux de malnutrition augmentent. Malgré les apports en intrants agricoles de la FAO ou de l'ONG Christian Aid, seuls 13 % des 250.000 ménages agricoles sont assistés. Le refus des bailleurs de fonds de financer des distributions de machettes, entrave de surcroît les capacités des agriculteurs à défricher des terres et à cultiver, selon la FAO à Kindu.

Des épidémies se développent sans qu'une réponse appropriée puisse être organisée compte tenu des difficultés d'accès ou de la méconnaissance de la situation sanitaire dans les zones inaccessibles. L'épidémie de choléra sévissant actuellement à Lubutu en est une illustration

La faiblesse de l'approvisionnement en eau est source de maladies dans toute la province. Plus de 70% de la population consomme l'eau de la rivière. Les initiatives dans ce domaine, menées par Oxfam à Kindu ou le Comité International de la Croix Rouge (CICR) auprès de la Régideso ainsi que celle de Care dans la zone de Kasongo ont montré la nécessaire implication d'autres partenaires pour satisfaire l'intégralité des besoins.

Un pareil renforcement des capacités se vérifie encore pour l'assistance en biens non alimentaires aux personnes retournées. A l'heure l'actuelle, ni les stocks ni les partenaires ne sont suffisants pour gérer l'ensemble de la situation.

Les affrontements ont également affecté le système éducatif. Les infrastructures ont pour la plupart été détruites, alors que le personnel enseignant a fui. Ce problème se pose avec d'autant plus d'acuité que la non prise en charge des enfants associés aux groupes armés et qui ont été démobilisés pourrait conduire à leur ré-enrôlement dans ces groupes.

La capacité humanitaire ne permet donc pas aujourd'hui de couvrir tous les besoins dans leurs domaines d'intervention. D'autres secteurs parmi lesquels celui des « violences sexuelles » ne sont quasiment pas couverts par les organisations d'assistance en dépit de leur importance.

Dans ce contexte humanitaire inquiétant, l'amélioration de la situation sécuritaire enregistrée ces dernières semaines devrait toutefois faciliter un déploiement de l'assistance bien que des poches d'insécurité subsistent. La démobilisation, entre autre, de près de 4900 Mayï Mayï, en marge du programme national de DDR (PNDDR), a participé à cette amélioration, a avancé le chef de bureau de la MONUC à Kindu, Marie France Helière. Le commandant de la 7ème région militaire, le général Widi a par ailleurs garanti à la mission conjointe, un accès sécurisé des humanitaires dans leurs zones d'intervention. Pour le gouverneur enfin, des zones réputées non sûres comme celles de Kabambare, Soleniama ou Kalima sont « ouvertes ».

Pourtant des tracasseries militaires à l'encontre des humanitaires sont rapportées toutes les semaines par la MONUC, selon le chef de la Mission onusienne et les organisations humanitaires. Des mesures par les autorités provinciales ont toutefois été prises afin de neutraliser ces pratiques.

Recommandations

1. Etablir une carte des axes prioritaires en associant la communauté humanitaire et la MONUC. Les voies de dessertes agricoles devront faire l'objet d'une attention particulière compte tenu de leur rôle dans le cadre de la relance économique locale. Soutenir la réhabilitation rapide des barges entre Kindu et Ubundu.

2. Plaider auprès de la communauté internationale pour une augmentation des moyens financiers humanitaires et un renforcement de la présence des partenaires dans cette province.

3. Ouvrir une antenne humanitaire à Lubutu de manière à inciter des organismes à intervenir spécifiquement dans cette région et entretenir des contacts plus étroits avec les autorités militaires qui dépendent officiellement de la 7ème RM.

4. Engager un plaidoyer actif auprès des autorités militaires locales et nationales sur le respect des principes humanitaires dans le but de faciliter l'action des partenaires

5. Etablir les besoins prioritaires dans les domaines actuellement peu couverts ou ceux qui ne le sont pas de manière à apporter une réponse rapide aux plus vulnérables. Un plan d'action humanitaire serait un moyen d'y parvenir.