RDC: Une opération militaire éclair aux conséquences humanitaires délicates

Kinshasa 7/ 12 / 04 - L'opération militaire attribuée à l'armée rwandaise, menée dès le 24 novembre 2004 à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) dans le but de neutraliser les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) laisse deux semaines après, une situation humanitaire moins grave que prévue mais délicate.
Près de 10.000 personnes identifiées ont en effet fui le groupement d'Ikobo, théâtre des opérations dans le nord-est du territoire de Walikale (Nord Kivu). Ces populations ont principalement trouvé refuge plus au nord, dans le sud du territoire de Lubero, notamment à Miriki, Kanyabayonga, Kayna, Kirumbi et Luofo. Un nombre bien plus important serait par ailleurs caché dans la forêt, o=F9 ils souffriraient de la faim et de problèmes de santé.

Ceux qui ont pu rejoindre des villages doivent essentiellement faire face à un manque de vivres. Bien que les déplacés aient tous été accueillis dans des familles d'accueil, ces dernières ne disposent pas des ressources nécessaires pour nourrir convenablement les nouveaux arrivants. Les pillages réguliers des récoltes par les FDLR aggravent la précarité de la situation.

La faim a ainsi incité quelques déplacés à revenir dans leurs localités d'origine le jour, avec l'espoir de trouver à manger et à rejoindre les familles d'accueil pour la nuit. Tous ces familles ont exprimé le souhait de regagner rapidement leurs villages. De timides mouvements de retour sont cependant déjà constatés depuis quelques jours à la faveur d'une amélioration sensible de la sécurité.

Les premiers retournés font face à de vraies difficultés. De nombreuses habitations sur l'axe nord en partant de Buleusa ont été incendiées. Celles qui ont été épargnées ont fait l'objet de pillages systématiques, selon un déplacé. « Ils ont tout pris. Nous allons au champ pour chercher quelques choses à manger. On se réunit au village pour partager le peu que nous avons », a-t-il expliqué.

Les difficultés d'une assistance humanitaire

Le contexte sécuritaire et géographique complique toutefois les opérations d'assistance humanitaire. Si une aide alimentaire est de l'ordre du possible dans les localités d'accueil, le soutien à la réinstallation des déplacés dans leurs villages est plus problématique.

La livraison de bâches, de couvertures, de vivres, de semences, d'ustensiles de cuisines, d'outils aratoires, sera très difficile en raison de l'inexistence de routes. Les villages concernés forment en effet une sorte de chapelet et ne sont accessibles que par des sentiers.

Au-delà de l'accessibilité géographique, ni la sécurité des bénéficiaires ni celle du personnel humanitaire ne paraissent être assurées dans cette zone. Les attaques semblent néanmoins avoir cessé, les comités de déplacés n'ayant pas enregistré de nouveaux arrivants depuis le samedi 4 décembre. Les déplacés ont cependant tous évoqués la crainte permanente des pillages par les FDLR, toujours présents dans les collines environnant les villages du groupement d'Ikobo. Une menace qu'une assistance humanitaire pourrait accroître.

Une zone instable

La nature particulière de l'opération rwandaise laisse par ailleurs subsister un doute sur la stabilité de la zone et donc sur la possibilité d'un déploiement humanitaire.

Des soldats des Forces de Défense Rwandaise (Rwandan Defence Forces - RDF) entraient le 24 novembre en RDC par la frontière de Bunagana dans le but de déloger les éléments FDLR, avaient rapporté des sources locales et humanitaires. Des déplacés de Buseula à Lusamambo, un des quartiers généraux présumés des FDLR racontaient : « Nous avons entendus des coups de feu à Kategu très tôt le matin. Quelques heures après, c'était à Buleusa. Nous avons pris la fuite dans la forêt. On voyait des maisons brûler ». Vers dix heures, ils sont arrivés au marché de Lusamambo, ont continué des habitants du village. Ils ont tiré en l'air et demandé à la population de partir. « L'un des assaillants a expliqué qu'il nous fallait partir pour ne pas être dans la zone de combat », a précisé un des déplacés.

La population a fui. Ils ont tout pillé. Quelques maisons ont été incendiées dans les collines proches de Lusamambo. Selon les témoignages entendus dans cette localité, l'identité des soldats ne faisait aucun doute. « Ils étaient élancés, des Tutsis. Ils parlaient kinyarwanda. Ils avaient des armes lourdes, des motorola et des uniformes 'taches taches' (tenues de camouflage). Ils étaient nombreux ». D'autres ont précisé qu'ils étaient accompagnés par des militaires congolais.

Dans leur fuite, un petit groupe avait été rattrapé et retenu pendant cinq jours par les Rwandais. « Ils nous ont demandé de dessiner des cartes, et de nous conduire là o=F9 sont les FDLR » a précisé l'un deux. « J'ai fais des cartes, mais je n'ai pas pu les conduire chez les FDLR car je ne savais pas. Nous avons été bien traités, ils nous ont libérés quelques jours après », a-t-il précisé.

Une partie des soldats rwandais restera à Lusamambo une dizaine de jours selon les déplacés. A partir du 25 novembre, des habitants des villages plus au nord allaient connaître un même sort.

Aucun affrontement direct entre les forces rwandaises et les FDLR n'a été rapporté par les déplacés. L'un d'eux auraient toutefois affirmé qu'un rebelle rwandais aurait été tué. Le nombre de victimes civiles n'est pas connu avec certitude. Les données chiffrées varient selon les témoignages. Selon les estimations de la MONUC, il pourrait atteindre la soixantaine dans tout le district d'Ikobo.

Ces incursions rwandaises n'ont pas été les premières dans la région. Si Kigali a nié la véracité de ces dernières, des menaces d'attaques ont été proférées par le président rwandais M. Paul Kagame. La tension est montée d'un cran dans toute la région. Des mouvements de troupes des Forces Armées de la RDC sont signalés à l'Est du pays. Dans ce contexte militaire tendu, et quelle qu'en soit l'issue, toutes les parties en présence : armée nationale ou étrangère, groupes armés nationaux ou étrangers, sont tenues en tout premier lieu de respecter la protection fondamentale accordée aux populations civiles et de permettre un accès sécurisé des humanitaires auprès des plus vulnérables. Les acteurs humanitaires pourront alors se charger du reste.