RDC: Une recrudescence des affrontements dans le Nord Kivu, préjudiciable aux populations civiles

La situation sécuritaire dans la province du Nord Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC) s'est fortement dégradée. Les affrontements entre groupes armés et les exactions que ces derniers commettent sur la population civile, ont entraîné un lourd passif humanitaire et ont forcé des organisations à suspendre leurs activités dans certaines zones.
Deux foyers principaux d'insécurité ont entraîné le déplacement massif de populations en provenance de Manguredjipa et de Kanyabayonga. Les affrontements entre les Forces Armées de la RDC (ex APC/RCD-KLM) et des éléments Mayï-Mayï dans la première localité, ont déplacé selon les chiffres avancés par la société civile de Lubero, près de 6500 ménages. Dans la seconde ville, les exactions attribuées aux éléments FARDC (ex ANC) ont conduit 15.000 personnes à se déplacer notamment vers Kirumba, plus au nord.

L'insécurité dans le Grand Nord

La présence d'un groupe Mayï-Mayï à Liboya, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Manguredjipa, empêche pour l'instant le retour de ces personnes réfugiées sur l'axe allant à Butembo. Les FARDC contrôlent cependant, les premiers 80 km séparant Butembo de Nziapanda, sur le 100 km de cet axe.

Les conséquences humanitaires de ces événements se traduisent par des besoins en santé en éducation et en nutrition. Bien que plus de la moitié des déplacés ait été accueillie dans des familles d'hôtes, les autres sont cachés dans la forêt. Résultat de ces bouleversements, près de la moitié des enfants -- entre Butembo et Manguredjipa -- n'ont pas effectué la rentrée des classes. L'accès aux soins quant à lui se réduit et la malnutrition augmente. Une mission d'évaluation humanitaire devrait toutefois avoir lieu dans les prochains jours afin d'envisager une assistance sur cet axe. L'ONG Agro Action Allemande a par ailleurs commencé la réhabilitation de 20 km de route à partir de Butembo vers Manguredjipa ce qui à terme facilitera l'acheminement de l'aide.

Le remplacement à Kanyabayonga du commandant issu de l'ancienne mouvance ANC par un commandant APC, a incité la population déplacée à débuter un mouvement de retour. Ce changement n'a toutefois pas mis fin aux tracasseries militaires imposées aux civils et aux organisations humanitaires. La situation est d'autant plus grave que les moyens traditionnels de survie ont été détruits.

Derrières ces deux événements majeurs qui ont secoué cette région du Grand Nord, se cache par ailleurs une situation sécuritaire précaire nourrie par des difficultés relatives à la réunification de l'armée ainsi qu'à la démobilisation et aux désarmements des factions Mayï Mayï, sans oublier la présence de groupes armés étrangers en provenance de l'Ouganda (NALU/ADF) et du Rwanda (Interahamwe/ Ex FAR, FDLR).

L'intégration de l'armée des ex-éléments APC, bras armés du RCD / K ML (Rassemblement Congolais pour la Démocratie / Kisangani Mouvement de Libération) au sein de l'armée unifiée ne semble pas aller de soi. L'ex-APC semble être en effet déterminée à conserver son autorité dans cette partie du territoire, en rendant de ce difficile la fusion avec le commandement officiel de la 8ème région militaire essentiellement composée d'anciens soldats de l'ANC, le bras armé du RCD Goma, selon des sources locales. Les difficultés de cohabitation sont particulièrement visibles à Kanyabayonga, l'ancienne limite des zones d'influence de deux groupes armés durant la guerre. Bien que les autorités responsables à Kinshasa aient été saisies de ce problème, les rivalités actuelles autorisent des inquiétudes quant aux sorts des populations civiles, premières victimes de dérapages militaires.

Le désarmement des Mayï Mayï dans le site de Mangango dans la proche périphérie de Beni, dans le cadre du programme de Démobilisation, Désarmement et Réinsertion a été qualifié de bombe à retardement. Sensé être un camp de transit, le site deviendrait permanent avec une concentration d'hommes en armes indisciplinés et non encadrés. Les populations des villages voisins ont fui en raison des harcèlements commis par ces troupes.

Des semblables exactions sur les populations sont encore perpétrées par des groupes armés rwandais ou ougandais, malgré la ferme intention affichée des autorités congolaises de les empêcher de nuire.

De même l'insécurité en Ituri a probablement contribué à remettre en cause le mouvement de retour massif attendu en septembre des 40.000 déplacés de l'Ituri, actuellement à Béni. La pérennité de leur présence nécessitera d'identifier une nouvelle stratégie d'assistance. Certains projets arrivent en effet bientôt à leurs termes. Des installations construites provisoirement mériteront d'être consolidées. Des besoins croissants en biens non alimentaires apparaissent alors que le problème de l'éducation des enfants déplacés est particulièrement urgent en ce début d'année scolaire.

Contexte semblable dans le « Petit Nord »

Les combats de Walikale entre ces mêmes entités ont déplacé entre le mois de juin et de septembre 18.000 personnes dans la forêt. Seuls quelques 4000 sont timidement revenus dans le centre de la ville o=F9 les conditions ne survies ne semblent guerre être meilleures.

Des pillages, des viols, et autres exactions, attribués aux éléments des Forces Démocratique de Libération du Rwanda (FDRL) sont continuellement rapportés dans Rutshuru. De pareils forfaits perpétrés par les FARDC ont également été rapportés à Kanyabayonga. Les tirs entendus dans la nuit du 10 au 11 octobre ont ainsi déplacé 15.000 personnes vers le nord à Butembo, Kayna et Kirumba. Le même scénario se retrouve à Butembo et à Beni du fait des FARDC et des Mayï-Mayï.

L'accentuation des tensions trahit les difficultés de la réunification de l'armée. L'activisme des Mayï-Mayï montre, selon le gouverneur de la province du Nord Kivu Eugène Serufuli, l'absence de volonté de prendre part aux brassages de l'armée. Le problème de l'encadrement des soldats FARDC ensuite, conduit ces derniers à vivre sur le dos de la population. De nombreuses troupes avaient en effet été déployées à l'est à la suite des événements de Bukavu, sans que la logistique ne suive. Pour sa part, la recrudescence de l'activisme des FDLR s'expliquerait par leur volonté d'obtenir l'ouverture d'un dialogue inter rwandais dans leur pays et de peser comme une force politique d'opposition au cours de la conférence des Grands Lacs, programmée dans le courant du mois de novembre à Dar es Salaam en Tanzanie. Des rassemblements importants de ces éléments s'observent par ailleurs au Sud Kivu, dans la plaine de la Ruzizi.

Ce climat n'est pas favorable aux interventions humanitaires bien que de nombreuses initiatives soient entreprises sans pour autant répondre à tous les besoins compte tenu du contexte d'insécurité. Le manque de connaissances précises sur l'identification des auteurs de ces exactions, spécialement dans Rutshuru, empêche de surcroît la communauté humanitaire de plaider auprès des chefs des groupes armés impliqués, pour un accès sécurisé.

Par ailleurs, la dynamique de relance économique et les effets de développement entrepris avec succès ces dernières années dans la province ont souffert de cette dégradation.

En marge des aspects sécuritaires et du soutien direct aux personnes les plus vulnérables, la réhabilitation des voies de communication apparaît comme un facilitateur à toutes les interventions. Le tronçon Goma - Masisi - Walikale est en cours de rénovation par l'ONG Agro Action Allemande (AAA). Il conviendra néanmoins d'envisager un branchement vers Butembo et Beni (au nord) afin d'acheminer l'aide plus aisément et de relancer les échanges économiques. La réhabilitation de l'aéroport pourrait constituer un atout supplémentaire dans ce contexte. Enfin, dans le dessein de préserver une stabilité politique dans la région, les activités de réconciliation communautaire devront être soutenues et renforcées au Nord Kivu pour éviter les débordements issus de l'exclusion ethnique tels que ceux dernièrement observés dans le Sud Kivu.