RDC Uvira/Fizi: Un renfort financier et en partenaires humanitaires est indispensable

Kinshasa 15/11/04 - L'étendue des besoins humanitaires constatée sur l'axe Uvira-Baraka-Fizi, dans la province du Sud Kivu, appelle une mobilisation générale des partenaires opérationnels et des bailleurs de fond, ont rapporté les membres d'une mission inter Agences à la suite d'une visite sur cet axe les 3, 4 et 5 novembre 2004.
La délégation était composée du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), de l'Organisation pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO), la Section des Affaires Humanitaires et de l'Information Publique de la MONUC, et du Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA).

La mission s'est rendue sur l'un des cinq axes prioritaires identifiés par le plan d'action humanitaire élaboré au début du mois d'octobre par la communauté humanitaire du Sud Kivu en synergie avec le plan multisectoriel de la mission des Nations Unies en RDC (MONUC).

Ce plan, à travers les priorités et les objectifs qu'il détermine, a été conçu pour rationaliser les interventions humanitaires et attirer d'autres acteurs compte tenu de l'ampleur des besoins dans le contexte volatile de cette province de l'est de la République Démocratique du Congo (RDC).

Un territoire dévasté par la guerre

Le Sud Kivu traverse en effet depuis les événements de Bukavu en juin 2004, des crises successives qui ne cessent d'accroître les nécessités d'assistance en poussant les capacités de réponse humanitaire à leurs limites. La situation est d'autant plus grave que les séquelles des guerres de 1996 et de 1998 dans ce territoire sont encore présentes. Les combats ont ainsi poussé cette partie de la RDC dans une extrême pauvreté en raison des pillages et des destructions massives des biens.

Un accès physique et géographique recouvré

L'accès des humanitaires à cette zone est cependant aujourd'hui possible grâce au plaidoyer engagé par OCHA. La forte présence d'hommes en armes ne semble plus être un obstacle à des interventions humanitaires, la mission ayant pu évolué normalement. Des cas de tracasseries militaires à l'encontre des populations civiles continuent toutefois d'entraver la sécurité alimentaire et la relance économique. Les difficultés et les lenteurs de la réunification de l'armée conduisent en effet les militaires à vivre sur le dos de la population.

L'accès géographique a été également amélioré. Bien qu'il n'existe qu'une route reliant Uvira à Fizi, ACTED a réhabilité ou reconstruit 30 des 48 ponts entre Uvira et Baraka. A l'exception de cette voie toutefois, les autres routes et dessertes agricoles demeurent dans un état de délabrement.

De large besoins humanitaires non couverts

Du point de vue humanitaire, des besoins immenses nécessitant l'implication de partenaires supplémentaires ont été constatés dans les secteurs de la santé et de la nutrition, de la sécurité alimentaire, de l'eau et de l'assainissement, des abris et de l'éducation.

La situation sanitaire est déplorable sur l'ensemble du territoire, a rapporté la mission d'évaluation. La zone de Fizi ne compte qu'un hôpital de référence, délabré, sans médecin et sans équipement adéquat. La paupérisation de la population la prive d'accès aux soins ce qui l'oblige à recourir à la médecine traditionnelle. Des ONG comme MSF et AMI interviennent dans ce domaine mais leur champ d'action ne couvre que 35 % de la superficie du territoire.

Le territoire de Fizi n'est plus le grenier de la province du Sud Kivu. Nombres de terres arables sont en jachères. Les guerres et les pillages ont eu raison des outils aratoires, des semences, du petit élevage alors que la pêche traditionnelle ne permet pas une couverture de tous les besoins. Les faibles récoltes actuelles sont souvent pillées par les militaires.

Malgré les interventions en la matière, de l'Organisation pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO), du Comité International de la Croix Rouge (CICR) et d'Action Contre la Faim (ACF), seule une petite partie des besoins est couverte. Cette situation risque de surcroît de s'aggraver avec le rapatriement massif des réfugiés.

L'eau et l'assainissement sont également des problèmes majeurs dans ce territoire. 29 sources aménagées existaient avant la guerre, il n'en reste que 5 aujourd'hui. Les maladies hydriques augmentent en raison de la consommation de l'eau du lac Tanganyika ou des rivières.

Les importantes réalisations par l'ONG Tear Fund dans le domaine de l'eau et de l'assainissement (notamment dans les écoles où le manque de latrines est patent) ne suffisent cependant pas à satisfaire tous les besoins.

Une intervention conséquente est aussi nécessaire dans le secteur de l'éducation. 95% des bâtiments scolaires sont délabrés et le matériel didactique fait cruellement défaut. Les élèves étudient à même le sol, sans équipement ni matériel, a rapporté la mission. Là aussi, seul l'UNICEF intervient dans le cadre de la scolarisation des filles.

Enfin, les problèmes immobiliers risquent de poser des difficultés sont précédents compte tenu de la destruction importante de l'habitat durant les affrontements et du retour massif prévisible des réfugiés et des déplacés en vue des élections. Malgré les progrès enregistrés grâce au programme de reconstruction de maisons conduit par Tear Fund, la demande reste importante.

Des retours spontanés ont d'ores et déjà été constatés par la mission notamment à Makobola, Swima, Mboko, Baraka, Fizi-centre et Kananda. Des rapports évoquent également des retours spontanés du Burundi à Uvira, à hauteur de 5 ou 10 personnes par jour. Un bateau a aussi accosté à Bukavu avec un nombre indéterminé de réfugiés en provenance de la Zambie et de la Tanzanie. Au total et selon des estimations, près de 150.000 personnes notamment réfugiées actuellement en Tanzanie sont en attente de rapatriement.

Couplé aux problèmes alimentaires et fonciers, un retardement de ces retours est souhaitable afin de mieux les préparer et permettre au territoire de Fizi d'absorber ce flux massif, selon les membres de la mission d'évaluation.

« La communauté humanitaire tient, conformément à son principe d'impartialité, à se préoccuper du retour de tous les réfugiés, que ceux-ci viennent de la Tanzanie ou du Burundi ou d'autres pays encore. L'octroi d'une assistance par les acteurs humanitaires n'est en effet jamais conditionné par des considérations d'ordre politiques, partisanes ou ethniques. Le soutien des organisations humanitaires en RDC s'effectue selon les besoins et les ressources disponibles en couvrant prioritairement les situations les plus urgentes et les plus dramatiques », a précisé Jahal de Méritens, chef d'OCHA en RDC.

L'identification des besoins dans le cadre du plan d'action du Sud Kivu a révélé des priorités dans tous les domaines d'intervention. Malgré les nombreuses initiatives engagées par les acteurs humanitaires présents, le chantier demeure immense pour uniquement pouvoir apporter une aide de base aux plus vulnérables parmi les vulnérables. Une mobilisation significative des bailleurs de fonds apparaît ainsi fondamentale afin de soutenir les actions déjà entreprises et celles qui se dessineraient dans un avenir proche. Dans le même temps, OCHA envisage d'ouvrir une antenne humanitaire à Baraka dans le but d'optimiser la coordination et d'attirer les partenaires dans cette région parfois qualifiée de désert humanitaire.