RDC/Dungu : "Nous avons beaucoup souffert"

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La souffrance

Les attaques de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) venue de l'Ouganda continuent de faire des victimes parmi la population du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Ces attaques meurtrières sont souvent caractérisées par l'incendie de maisons, l'enlèvement des hommes des femmes et des enfants, les pillages, ainsi que des tueries à l'arme blanche, causant des déplacements massifs de populations.

Suzanne, une enseignante congolaise, a été obligée de fuir de Duru pour se réfugier à Dungu, après une attaque d'éléments de la LRA dans son village. « Des éléments de la LRA sont arrivés dans notre village le jour de l'ouverture des classes pour enlever ou tuer des civils », a dit Suzanne qui a couvert 90km à la marche, accompagnée de sa fille malade.

Dungu est situé dans le Haut Uele, en Province Orientale, RDC. Depuis 2007, la zone est en proie à de multiples attaques armées perpétrées par la rébellion ougandaise. Bilan : plus de 1490 morts, 2471 enlevées dont 699 enfants, et 340 000 déplacés. « Les LRA ont tué mon mari, mes oncles et mes frères », a déclaré Rustic qui s'est enfuie de Kapili, pour se réfugier à Dungu. « Si je retourne là-bas, je n'oublierai jamais. En plus la guerre n'est pas finie », a-t-elle ajouté.

En réponse à l'opération Rudia

Non loin de la frontière soudanaise, le Haut Uele était une zone florissante. Mais ses jours se sont assombris depuis qu'une rébellion ougandaise en a fait une base arrière. Pour couper les voies de ravitaillement de la LRA ainsi que leurs voies de sortie du parc national de la Garamba, le gouvernement congolais décida de lancer en juillet 2007 une opération militaire dénommée Rudia, avec l'appui la force de maintien de la paix en RDC, MONUC.

Mais la LRA ne se laissa pas prendre par surprise. « Alors que les éléments de Forces armées congolaises (FARDC) commençaient à se déployer, une vingtaine de localités avait été attaquées par les LRA », a dit Francois M. Likoyo, chargé d'affaires humanitaires à OCHA à Dungu. « Les attaques se sont caractérisées par des atrocités que la population ne pouvait soutenir de voir », a-t-il ajouté. Suzanne, la déplacée de Duru vit difficilement avec les atrocités dont elle était témoin. « J'ai vu un homme taper sur le front de quelqu'un d'autre avec un marteau, et le sang qui jaillit », a raconté Suzanne. « Il a râlé deux fois, et puis il est mort », a-t-elle ajouté.

Des attaques meurtrières qui ont poussé des milliers de personnes à se déplacer du nord vers Dungu au sud. Plus de 340 000 personnes ont été déplacées en Province orientale à cause des attaques LRA. Ce déplacement massif causé lui-même par le mouvement des LRA, contribue à favoriser celui-ci. « Quand vous avez des milliers de déplacés laissent de vastes zones inhabitées, et les rebelles peuvent se déplacer sur de longues distances sans être signalés », a analysé Likoyo d'OCHA Dungu.

Les attaques rebelles continuaient et Dungu recevait davantage de déplacés car la ville était un havre de paix. Mais plus pour longtemps car le 1er novembre 2008, elle a été attaquée par des éléments de la LRA, qui ont procédé à de nombreux enlèvements.

« Le 1er Novembre 2008, 10 éléments de la LRA sont entrés chez moi, et ont enlevé mes trois petites-filles, mon petit-fils, et moi-même », a raconté Papa Peleke, un tapissier de 70 ans. Pendant cinq jours de détention, le vieux tapissier a vécu l'enfer. « Tu manges pas à ta faim et tu transportes des bagages très lourds ». Selon Papa Peleke, les LRA n'hésitent pas éliminer les captifs qui refuser de continuer le périple. « Un autre captif du nom de Badi avait refusé de continuer à porter des bagages. Le commandant LRA avait donné l'ordre de le tuer », a dit Papa Peleke. « Il a été exécuté le 4 novembre 2008, à 4h du matin », a-t-il précisé.

De nombreuses filles ont aussi été enlevées par la LRA. Elles sont souvent utilisées comme esclaves sexuels ainsi pour des travaux forcés. « J'avais 22 ans et j'allais à la 5eme des humanités (avant dernière année avant l'université) quand j'ai été enlevée », a déclaré Mado, une fille enlevée pendant six mois par la LRA. « Dès notre arrivée, toutes les filles ont été distribuées aux officiers de la LRA, et moi j'étais la femme d'un médecin proche de Koni », a-t-elle raconté. Les captifs sont aussi forcés à se familiariser avec la tuerie. « On nous obligeait à aller jeter un cadavre ou à lui broyer le crâne, et tout ceci pour qu'on n'ait plus peur de la mort », a dit Mado.