Situation humanitaire en République Démocratique du Congo (13 Dec - 20 Dec 2000)

La résolution 1332 donne un souffle nouveau aux accords de paix
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a prolongé le mandat de la MONUC pour une période de 6 mois et a approuvé la proposition du Secrétaire Général de déployer les observateurs militaires chargés de superviser le désengagement des forces, une fois ce processus enclenché.

La résolution 1332 prévoit le dispositif suivant : deux bataillons à Mbandaka et Kisangani et, le cas échéant, un troisième à Goma et/ou Bukavu.

La Joint Military Commission doit réunir tous les chefs d'Etats-majors mercredi 20 décembre à Kampala, puis si possible effectuer un tour de la ligne de front entre jeudi et samedi, en vue d'examiner les conditions d'un désengagement immédiat.

En effet, dans les 46 jours qui suivent l'adoption de la résolution (d'ici le 20 février) ce mouvement de désengagement doit s'être matérialisé. Les équipes de la MONUC, par groupes de 4 à 6, devraient être en mesure de suivre le processus de désengagement des forces. La sécurité de ces forces non armées sera de la responsabilité des forces belligérantes. Le nombre d'équipes devrait passer de 13 (chiffre actuel) à 36. Le Secrétaire Général a toute latitude de répartir le nombre - plafonné - de 5537 éléments entre observateurs et éléments de sécurité et d'encadrement. Le déploiement des observateurs devrait commencer le 20 janvier. Auparavant une mission de planification des Nations Unies arrivera à Kinshasa le 2 janvier 2001.

Dans les régions

Katanga

Une mission récente de l'équipe OCHA a pu faire les observations suivantes :

- Notre équipe a été informée d'un mouvement significatif de déplacés à partir de Pweto, qui a débuté les 4-6 décembre. Rappelons que depuis le 19 décembre le nombre de déplacés a atteint 10.000 personnes. Etant donné, l'intensité des combats à Pweto et le risque de leur renouvellement on anticipe de nouvelles vagues de déplacement, estimées à 30.000 personnes environ. Vu les expériences précédentes de rétention des populations déplacées par les autorités militaires dans cette région, cet afflux ne manquera pas de générer des problèmes de protection de ces populations. Par ailleurs, si les autorités provinciales se disent prêtes à laisser l'aide humanitaire atteindre les populations en détresse, elles n'ont aucune intention d'alléger les contraintes bureaucratiques (sauf-conduits, permis minier) tant que le front restera instable.

- A également été rapporté à notre équipe un déplacement de populations (estimé à environ 50.000 personnes) en direction de Kabongo et peut-être en provenance de Kabalo. D'autre part, de source religieuse on signale que les déplacés de Manono (estimés à 60.000 personnes en août 1999 et jusque-là dispersés dans les limites de cette zone de santé) ont entamé un mouvement de retour dans leur localité d'origine.

- Le mouvement de réfugiés en provenance du Katanga et se dirigeant vers le Nord de la Zambie ne serait pas aussi important qu'on le craignait. Des rapports récents avaient estimé cet afflux de réfugiés à 60.000 personnes mais seuls 15.000 réfugiés ont été enregistrés par le HCR.

Equateur

- Dans la localité de Lolanga située à 80km de Mbandaka un effectif de 2500 déplacés de guerre a été répertorié par les services de la croix rouge locale. 600 autres déplacés ont été dénombrés à MAMPOKO à 112 km de Mbandaka. Ce groupe vulnérable est sans abris et squatte les bâtiments de l'Etat sans assistance sanitaire ou vestimentaire. Parmi eux se trouvent des enfants de 5-10ans atteints de malnutrition (degré non précisé).

- Les vivres dans le sud de la province sont devenues rares donc chères ; une mesure de fufu revient à 150FC, transaction monétaire inabordable pour la population d'accueil et de celle des déplacés (alternatives : troc, astreintes).

Les besoins urgents consistent en des vivres, non vivres, médicaments et intrants pour les services agricoles (non chiffré. Chiffres de déplacés disponible à OCHA-PAM)

Kivus

- Le personnel national des organisations non gouverne-mentales internationales et agences d'aide sont de plus en plus la cible des bandes armées non contrôlées (bandits et voleurs à mains armées). Dernier exemple en date : attaque d'un camion de la Caritas qui se dirigeait vers Nyangezi et Kaziba pour une livraison des vivres aux enfants atteints de malnutrition dans les centres nutritionnels. Les employés de Caritas effectuant ce transport ont été battus et dépouillés de tous leurs biens.

- La campagne de sensibilisation et de mobilisation en vue du recrutement pour l'armée du RCD se poursuit dans les villages et territoires dirigés par le RCD. Demandes publiques de fournir « des enfants » à l'armée (phénomène similaire à Kinshasa : clauses sur les enfants-soldats non respectées par les parties. Cf Vème rapport du Secrétaire Général).

- Les tracasseries adminis-tratives dont sont victimes les ONG internationales se poursuivent et le nombre de taxes ne cesse d'augmenter. L'ONG IRC qui est très active sur l' axe Katana a suspendu ses interventions sur cet axe en signe de protestation contre cet état de fait. Au même moment, les ONG internationales s'organisent pour obtenir des exemptions et exonérations des impôts et taxes.

Ituri

- Des attaques ont eu lieu dans deux villages :

  • A Gokpa, le 14 décembre: des personnes déplacées (lendu) ont été ataquées alors qu'elles tentaient de réintégrer leurs terres. Les blessés ont été référés à l'hôpital de Rethy.
  • A Djina-Lita : des concessionnaires et hommes d'affaires, souvent hema, profitant de l'anarchie actuelle, ont débauché des militaires (ougandais et congolais) en vue d'empêcher le retour des déplacés Lendu.
  • Le colonel ougandais Musora a envoyé à Fataki une mission de conciliation chargée de stigmatiser le rôle joué par certains militaires, et de rappeler que leur mandat est la protection de toute la population.
  • A Okenge, près de Bafwasende : la lutte entre groupes Mai-Mai et autres forces tourne autour de la possession et du contrôle des mines d'or et de diamants. Roger Lumbala, chef du groupuscule RCD National (Bafwasende) serait également partie prenante dans les combats.

Réfugiés

Il y a plus de 15.000 réfugiés à Kahemba (Bandundu) mais l'assistance du PAM n'atteint que 10.000 bénéficiaires. Les autres réfugiés se trouvent dans des endroits encore inaccessibles.

SANTE

Il y a eu 3 cas suspects de fièvre hémorragique dans les villes de Bunia et Isiro. Les échantillons ont été envoyés à Gulu (Ouganda) ou en Afrique du Sud via l'OMS.Résultats attendus. L'OMS devait envoyer un épidémiologiste sur place. (sensibilisation des personnels, matériel de protection).

Evolution de la situation : juin, un cas suspect, tests négatifs. 19 novembre, cas suspect, résultats des tests attendus. 30 novembre 2000, cas suspect, aucun test effectué, patient décédé.

En attendant le résultat des tests, le problème est de trouver du matériel de protection notamment pour le personnel médical. Matériel fourni par MSF-H et Suisse (Dungu) pour l'instant.

Securité Alimentaire

- Selon World vision, le nombre d'enfants atteints de malnutrition à Beni est très élevé. Le taux de malnutrition avec présence d'oedèmes s'élèverait selon l'organisation à 34,6% dans les populations d'accueil et à 20,6% parmi les déplacés. Ces taux élevés s'expliqueraient par l'impossibilité de cultiver en raison de l'insécurité permanente autour d'Uvira et Uzi. En outre entre 120.000 et 150.000 déplacés sont toujours dans une situation très préoccupante dans l'ile d'Ubwari. Certains d'entre eux sont des personnes de retour de Tanzanie d'autres ont fui les confrontations de la plaine de Ruzizi.

- Dans le Shabunda les besoins en nourriture sont toujours importants. Les fréres Xavériens sont les seuls acteurs humanitaires sur place.

- Le nombre des cas de ''décès de faim'' augmente de plus en plus dans le sud Kivu: Il y a deux semaines 5 morts de faim dans la commune de Bagira ont été signalés. Ce sont les territoires de Walungu, Kalehe (6 cas à Kajeje) et Bunyakiri ainsi que la commune de Bagira (encore deux cas de plus) qui ont rapporté des cas de décès causés par la faim.

Le manioc « malade »

Dans les villages de Tumba, Gombe-Sud, Tumba Vata, Mbuka, Kimpese, Lukala, Gombe-Matadi, au Bas-Congo, sur cinq pieds de manioc, un seul en moyenne, est normal. Quatre sont attaqués et ne donnent pas de tubercules.

A Fatundu, une localité de Bandundu, située dans le territoire de Bagata, on signale la disparition presque totale du manioc. Cette culture est de plus en plus remplacée par le maïs qui auparavant, entrait très peu dans les habitudes culturales du milieu. Le maïs ainsi produit est très peu consommé sur place ; il sert surtout aux transactions commerciales. Sa consommation locale est limitée par sa dureté qui complique la mouture manuelle, et par le manque de moulin. La raréfaction du manioc n'est pas compensée par une alternative satisfaisante.

La FAO préoccupée par cette situation accueille actuellement une mission internationale (Institut d'Ibadan) qui s'est déjà rendue au Bandundu et dans le Bas-Congo pour faire une évaluation et proposer des solutions. Pour le moment, les prélèvements sont testés en laboratoire afin de déterminer la cause exacte de ces virus qui attaquent le manioc et ont pour conséquence principale une baisse des rendements et un amoindrissement de la qualité de cette plante.

La FAO estime qu'il faudrait 1 à 2 ans avant d'obtenir des quantités de bouture suffisantes pour remplacer celles qui existent actuellement.

Il n'est pas aisé, dans ces chroniques de détresse et de morts (mais aussi de réactions et d'interventions vitales), d'utiliser des mots joyeux, à l'occasion de cette période festive. Nous choisirons donc une voie médiane, en employant des mots d'espoir pour l'année à venir : l'espoir que nos efforts, tout en nous apportant un sentiment d'accomplissement, pourront surfer sur une vague porteuse beaucoup plus large, qui redonnera confiance et foi en l'avenir à tous les Congolais.

Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA)
Kinshasa, République Démocratique du Congo.