Visite de SSG Catherine Bragg en RDC du 31 mai au 04 juin 2011

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Déclaration lors de la conférence de presse de fin de visite

Kinshasa, le 04 juin 2011

Bon après-midi à tous!

Je viens juste de passer les trois derniers jours visitant quelques zones de ce grand pays, rencontrant des populations congolaises dont les vies ont été détruites par la violence, des familles vivant dans une grande pauvreté, ainsi que des communautés vivant dans la peur quotidienne des attaques. J’ai également rencontré des travailleurs humanitaires, des forces de maintien de la paix ainsi que des autorités gouvernementales qui font un effort pour prévenir et mettre fin à la violence, et qui apportent l’assistance humanitaire de base, celle-ci constitue tout ce que certaines populations ont pour vivre.

Comme tout le monde le sait, la crise humanitaire qui affecte les populations de la République Démocratique du Congo (RDC) est multiforme. Chacune des formes de cette crise a ses propres causes et dynamiques, dépendant des multiples conflits armés locaux ou régionaux, ainsi que des maladies endémiques, des taux élevés de malnutrition et du sous-développement économique. Toutes ces crises ont le même contexte de pauvreté généralisée, d’instabilité chronique et de graves abus contre les civils par des parties belligérantes.

Je suis particulièrement préoccupée par le fait que 1,7 million de personnes sont déplacées à l’est et au nord-est. Des millions de personnes vivent dans la peur d’attaques quotidiennes par des groupes armés qui tuent, blessent, violent, prennent des otages, pillent et brûlent des maisons. Ce que j’ai appris pendant ma mission est que la situation est entrain de changer avec certaines personnes retournant à leur milieu d’origine pendant que d’autres se déplacent. Il faudrait noter que ceux qui se déplacent sont dans des communautés les plus reculées où il n’y a pas assez de présence de l’Etat. L’accès à ces populations est très difficile à cause des obstacles physiques, dont le manque de routes, et à cause de l’insécurité.

A Dungu, j’ai rencontré des familles déplacées qui habitent le camp de Linafoko avec aucun espoir de rentrer bientôt chez eux. Ces familles et des milliers d’autres sont des victimes de la violence barbare des groupes armés, notamment de l’Armée de résistance du seigneur (LRA). Je reconnais le grand travail qui est entrain d’être fait par les organisations humanitaires et la collaboration avec les forces de maintien de la paix pour permettre la distribution de l’assistance. L’isolement de plusieurs villages touchés est un défi majeur. Nous avons besoin de faire plus mais également de transformer la réalité quotidienne. Ceci demande la poursuite de la distribution de l’assistance humanitaire, la protection assurée par la présence des organisations humanitaires, et le travail fait par les forces de maintien de la paix ainsi que l’armée congolaise.

A Bukavu, j’ai rencontré les organisations humanitaires, les forces de maintien de la paix ainsi que les autorités gouvernementales. Pendant que près de 600 000 personnes sont retournées chez eux l’année dernière, autres 600 000 ont été forcées de fuir leurs villages à cause des attaques et de l’insécurité. Ces déplacements ont lieu dans des zones très reculées où l’accès est difficile à cause de l’insécurité, mais également à cause de manque d’infrastructures routières.

J’ai également visité un projet piloté par «Women for Women», une organisation internationale spécialisée dans la formation et le renforcement des capacités des femmes socialement exclues, notamment les survivantes des violences sexuelles, les pauvres, les analphabètes ainsi que les femmes déplacées. J’ai également rencontré un bon nombre d’organisations non gouvernementales actives dans la lutte contre les violences sexuelles, un phénomène qui reste encore très répandu dans la province. Beaucoup l’on dit, mais laissez moi le dire encore: l’usage de la violence sexuelle par des groupes armés pour terroriser les civils est inacceptable, et ceux qui commettent de tels crimes, ainsi que d’autres graves violations des droits humains, doivent savoir que tôt ou tard ils seront amenés devant la justice.

A Bunia, j’ai entendu de la part des acteurs humanitaires et des forces de maintien de la paix les défis auxquels ils font face en essayant de fournir de l’assistance et de la protection étant donné que l’insécurité les empêche d’atteindre près de 30% des populations qui ont besoin de l’aide.

Dans toutes les rencontres, j’ai compris que la réponse à cette crise délivre de l’assistance humanitaire, mais doit être complétée par une assistance en développement, la stabilisation ainsi que la sécurité.

Le Gouvernement de la RDC est en dernier ressort responsable de la protection de son peuple. Le Gouvernement doit agir pour prévenir des abus par des militaires et des forces de sécurité, ainsi que pour privilégier les réformes des systèmes de sécurité et de la justice. J’encourage le Gouvernement à s’embarquer résolument dans ces reformes et à étendre l’autorité de l’Etat dans des zones les plus reculées.

La Communauté Humanitaire veut également voir des efforts plus importants de la part de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO) dans l’implémentation complète de son mandat. A travers mes rencontres avec les acteurs de l’aide, ils ont insisté sur le besoin que les états membres donne la possibilité à la MONUSCO d’être présente dans bien plus d’endroits dans les zones où les groupes armés opèrent.

J’ai également rencontré les représentants des pays donateurs ici à Kinshasa, dont beaucoup appuient généreusement le plan des Nations Unies et leurs partenaires pour faire face aux besoins humanitaires en RDC. Il est clair que nous devons améliorer l’assistance humanitaire que nous délivrons dans des circonstances très difficiles, et amener de vrais changements. Nous avons besoin de meilleure coordination entre les acteurs humanitaires, de stabilisation et de développement. Mais avec un financement de seulement 41%, la Communauté Internationale doit s’engager de manière plus décisive. La survie de presque 2 millions de personnes déplacées, bien plus de récemment retournés, et d’autres personnes vulnérables encore, dépend largement de l’aide internationale.

Il faut faire plus maintenant - et avant tout de la part du Gouvernement Congolais - pour rétablir son autorité à travers les provinces, de manière à garantir la sécurité de son peuple et celle des acteurs de l’aide. La Communauté Humanitaire veut également voir une MONUSCO plus forte, capable d’implémenter totalement son mandat de protection et de fournir un meilleur support, de manière à permettre aux humanitaires d’accéder à tous ceux dans le besoin.

J’en appelle aux donateurs et autres membres de la communauté internationale, pour continuer à appuyer notre travail pour alléger les souffrances, tout en assistant les efforts du Gouvernement pour réduire la pauvreté, réformer le système judiciaire, créer des opportunités économiques, et fournir des services de base et sociaux.

Dans mes rencontres avec les seniors officiels des agences des NU, de la MONUSCO et des organisations humanitaires, j’ai insisté sur le besoin d’augmenter l’aide, particulièrement dans les régions les plus éloignées, et j’ai appelé pour une meilleure collaboration entre aide humanitaire, aide au développement, et stabilisation, qui doivent constituer une approche globale vers la paix et la sécurité. Dans cette phase critique, ou l’humanitaire et le développement coexistent, nous devons adopter une approche holistique des défis rencontrés par le pays, et établir des ponts entre toutes les parties prenantes.

Mettre fin aux conflits et réaliser une meilleure stabilité contribueront à mettre fin aux violations des droits humains et à la réduction des besoins humanitaires. C’est l’objectif ultime de toutes les parties engagées dans la paix, la stabilité et la dignité pour toutes les populations de la RDC. Une action collective, menée par le Gouvernement mais impliquant la communauté de bailleurs, les organisations humanitaires et la mission de maintien de la paix, est nécessaire si nous voulons donner une vie de dignité et de liberté loin de la violence et de la peur.

Je suis heureuse de prendre vos questions maintenant.