Point de presse du Coordonateur Humanitaire des Nations Unies en Guinée - 25 août 2005

Discours d'introduction

Je vous remercie d'être ici dans la maison des Nations Unies, au lendemain de la visite du Secrétaire Général des Nations Unies. Sa visite nous a honoré, et comme il l'a dit, il a voulu se rendre compte lui-même de la situation ici au Niger. Cette situation a été décrite de façon détaillée. Maintenant elle est confirmée par le Secrétaire Général des Nations Unies. Je crois que sa visite va contribuer à calmer les esprits et à pousser à travailler encore plus pour dépasser cette crise.

Je sors d'une réunion à la Cellule de Crise Alimentaire avec la participation de tous les partenaires du Niger qu'ils soient des organisations internationales de l'ONU, des bailleurs de fonds, des ONG nationales ou internationales. Dans cette réunion, nous avons appris qu'il y a au total, aujourd'hui, 2.700.000 personnes en situation alimentaire préoccupante. Nous avons 850.000 personnes en situation extrêmement critique, et 90.000 personnes en situation très difficile. Le reste se trouve dans une situation dans laquelle il faut être très vigilant. Concernant la nutrition, ce qui nous touche particulièrement- car ce sont les images que nous voyons- ce sont les enfants malnutris et qui sont actuellement soignés dans les centres de récupération nutritionnelle. Nous avons au total 93.000 enfants qui ont été pris en charge dans les centres de récupération nutritionnelle, une précision très importante à fournir est que 85% de ces enfants s'en sortent très bien. 5% malheureusement perdent leurs vies car ils arrivent trop tard. 10% des enfants sont transférés dans d'autres structures qui sont mieux adaptées pour leur récupération. Ainsi nous avons un taux de réussite, en termes de vies sauvées, qui est très élevé. Concernant les besoins et la mise en place des aides, nous avons démarré la distribution gratuite dans les zones les plus affectées, identifiées par le Système d'Alerte précoce (SAP) et ceci par le biais des ONG nationales et internationales qui travaillent dans le cadre du dispositif national. Nous avons également pu dépasser les problèmes causés par la rupture d'un pont au Benin et qui avait bloqué la livraison de milliers tonnes de céréales qui étaient attendues. Ce sont des bonnes nouvelles.

Du point de vue des aliments thérapeutiques pour les enfants, UNICEF nous informe que nous avons la capacité de couvrir les besoins du mois d'aout et de fournir des aliments à tous les centres de récupération nutritionnelle pour les enfants sévèrement et modérément malnutris. En ce qui concerne le mois de septembre, l'UNICEF a pu obtenir des promesses pour acheminer, par voie aérienne, des quantités suffisantes des produits pour couvrir les besoins. Pour les mois d'octobre et de novembre, des bateaux sont en position afin de livrer les produits en temps voulu, c'est-à-dire avant le mois d'octobre et novembre. Pour ce qui concerne la campagne agricole 2005, nous avons constaté -et nous avons été informé- que les pluies ont été au dessus de la moyenne donc c'est une bonne saison d'un point de vue pluviometrique, ce qui laisse espérer une bonne récolte. Quant à la quantité ou volume totale de la récolte, c'est très difficile de pouvoir estimer à ce stade compte tenu que nous n'avons pas de précisions suffisantes sur la densité des semis. Nous ne savons pas à ce stade la quantité de semences qui on put être plantés, sans doute cela aura un impact sur le volume total de la récolte. Cependant nous savons que 95% des zones qui ont été visées pour la production agricole ont effectivement été exploitées et nous espérons des bons résultats. Nous avons aussi été alertés que ce qui se passe ici (les pluies) au Niger n'est qu'un élément d'une crise qui touche la sous-région, d'autres pays voisins ont moins de chance en 2005. On nous a parlé d'une pluviométrie déficitaire au Cameroun, au Togo et dans d'autres pays voisins. Nous avons de la chance. Si cela continue, le Niger pourrait avoir une campagne agricole 2005 qui serait meilleure que celle de certains pays voisins. Nous voulons d'ores et déjà exprimer le fait que nous avons reçu la solidarité des autres à travers cette crise et nous devons être à mesure d'offrir notre solidarité si nos pays voisins et frères venaient à souffrir.

Q : Le Secrétaire Général des Nations Unies a parlé d'un besoin de 80 millions de dollars. Est-ce que cette somme est mobilisable immédiatement pour permettre des actions concrètes ?

Ce montant n'est qu'une toute petite fraction de ce que la communauté internationale, y compris le Niger, a donné pour les victimes tsunami de décembre 2004. Nous avons déjà reçu la moitié de l'aide, nous cherchons 40 millions de dollars US pour notamment faire face au mois de septembre. Il nous reste 6 semaines à couvrir et nous avons des besoins qui ne sont pas encore couverts en céréales et aliments thérapeutiques. Ce qui coute très cher- et qui ne coûterait pas tellement cher aux pays donateurs- sont les frais aériens. Si nous pouvons avoir des pays qui prennent en charge les frais aériens, nous avons des stocks qui sont disponible auprès des pays pour être livré au Niger. Les frais aériens nous empêchent de pouvoir disposer de ce dont nous avons besoin au Niger. J'ajoute également le transport et la logistique à l'intérieur du pays. Nous lançons aussi un appel pour la prise en charge du transport à l'intérieur du pays car nous avons des restrictions liées à l'offre des aides qui n'incluent pas la logistique locale. Nous sommes dans un des pays les plus pauvres du monde. Le budget est sous programme du Fond Monétaire International et nous n'avons pas la liberté d' utiliser toutes les ressources du budget pour pouvoir faire face aux besoins logistiques du pays. Le transport aérien et la logistiques au niveau national nous préoccupe.

Q : Quelle est votre réponse aux critiques qui ont été émises à l'encontre des Nations Unies ?

Le Secrétaire Général a dit pendant sa conférence de presse que ce ne sont pas les critiques ni polémiques qui peuvent sauver, ou contribuer à résoudre cette crise. Nous continuons à être très surpris par des articles qui sortent des sources qui sont pas techniquement bien informées. Je dirai même très attristé car nous avons beaucoup de gens qui travaillent sur le terrain dans des conditions très difficiles pour sauver des vies chaque jour. Nous ne voulons pas que l'attention internationale soit détournée de ces gens qui travaillent et des vies qu'on sauve vers des polémiques que nous jugeons assez stérile. Nous avons offert à tout intervenant de pouvoir se rendre dans les régions mises en cause, de nous joindre dans des missions dans ces zones afin de voir quelles sont les solutions. Dans une crise humanitaire, la planification est faite de façon flexible selon les besoins, donc s'il y a des besoins que nous constations et des solutions que nous pouvons apporter, nous allons le faire. Je ne crois pas que cela peut se faire à partir de déclarations à la presse à partir de Paris. Cela ne nous aide pas.

Q : Combien d'enfants sont aujourd'hui prises en charge ? On se focalise souvent sur le facteur humain mais on oublie le facteur bétail, qu'est qui est fait à ce niveau ?

Effectivement, quand on parle de 160.000 enfants qui sont modérément malnutris et 32.000 enfants qui sont sévèrement malnutris, ce sont des estimations qui ont été faites sur la base des premières estimations et projections au début de la crise. Maintenant nous commençons à recevoir le chiffre réel d'enfants qui sont admis dans les structures de récupération nutritionelle donc nous allons vous tenir informer chaque semaine. La réponse est donc qu'on vous avait donné des estimations et des projections, maintenant on vous donne des chiffres réels. Concernant le bétail, nous avons effectivement un problème car, vous le savez, le bétail est au Niger l'équivalent d'un "système banquier", donc il faut absolument reconstituer les stocks. L'information que nous avons reçu au niveau du CCA est qu'il a e une tendance à la hausse, du fait que les pâturages commencent à remonter et la situation sanitaire du bétail s'améliore.

Q : L'ONU est-elle disposer à reconstituer le stock national en utilisant la production existante supplémentaire ?

Nous visons une date limite pour les distributions gratuites des vivres pour éviter de perturber les mécanismes du marché pendant la récolte. Nous allons être très vigilants car nous ne voulons pas provoquer des phénomènes de spéculation ou de retombées des prix du fait de l'excédent au niveau des céréales. Il faudra suivre la campagne agricole zone par zone, province par province, commune par commune. Nous lançons un appel pour le renforcement du système de surveillance et prévention, c'est à dire le Système d'Alerte Précoce qui fait partie intégrante du dispositif national de prévention de crise pour que nous puissions mettre en place des équipes mobiles qui puissent rendre compte en temps réels. Pour atteindre cela, nous allons renforcer en tant que Système des Nations Unies, en moyen informatique, la cellule de crise alimentaire et le Système d'Alerte Précoce. Un site web sera lancer très bientôt qui permettra un suivi de la récolte et de la campagne agricole. Ce site nous donnera des informations sur l'état de malnutrition, de prise en charge, et de besoins.

Q : Que compte faire UN pour résoudre les problèmes structurels du Niger ?

Ce même point a été soulevé lors de la conférence de presse du Secrétaire Général. Il ne s'agit pas seulement de résoudre les problèmes conjoncturels du Niger, mais également de s'attaquer aux causes profondes et structurelles. Nous avons parlé de plusieurs facteurs, y compris le facteur climatique. En 1960 le pays recevait 600 millilitres de pluie par mettre carré, aujourd'hui nous sommes à 300, c'est-à-dire que le climat a changé. Alors il faut s'adapter. Au Niger, nous ne sommes pas responsables de cela. Ce que nous pouvons faire, par exemple, serait de trouver des semences améliorées qui nous permettent de récolter en 3 mois au lieu de 4 ou 5 mois car nous n'aurons plus de pluie en septembre. En deuxième lieu, le Secrétaire Général veut mettre les problèmes structurels de la pauvreté au centre du sommet du millenaire qui aura lieu en septembre à New York. C'est un sommet qui se penchera sur les questions politiques, les droits de l'homme, la sécurité, et le développement. Il y a dans les medias des reportages sur les guerres, mais on ne parle jamais de la guerre contre la pauvreté. C'est une guerre qui provoque beaucoup plus de victimes chaque jour que toutes les autres guerres mises ensemble. Gagner cette guerre coûterait beaucoup moins que gagner les autres guerres mises ensemble, alors essayons de nous concentrer sur ce problème. La guerre contre la pauvreté doit être au centre parce que c'est un problème majeur que l'humanité ne peut admettre dans le 21ème siècle et qui alimente les tendances extrémistes de part et d'autre. Tout ce que nous souhaitons est que le peuple nigérien dans sa dignité puisse rentrer avec tous les autres pays du monde dans le 21ème siècle.

Q : Quelle est la situation des enfants qui ne sont pas présents dans les centres de récupération ?

Il y a effectivement un tableau que nous avons préparé que nous pouvons vous fournir. Il y a 800.000 enfants qui vivent dans les zones et qui risquent d'être affectés par la malnutrition. Parmi ceux, 160.000 présentent des signes de malnutrition modérée et 32.000 qui souffrent de malnutrition aigue. 61.000 sont pris en charge pour malnutrition modérée et 22.000 enfants pris en charge pour la malnutrition sévère. Depuis le début de la crise, nous comptons 760 centres récupération nutritionelle, dont 20 centres intensifs, 57 centres pour la malnutrition et 583 centres de nutrition modérée. Dans ces centres, une distribution gratuite de vivres est associée. Dans chacun de ces centres, ce n'est pas seulement la prise en charge de l'enfant, mais la famille reçoit également aussi 100kg de céréales, 15kg de légumineuses et 5 kg d'huile végétale.

Q : Quel est le poids de la fluctuation des prix dans la crise actuelle ?

Le facteur spéculation a joué un rôle très important dans cette crise. En octobre 2004, les estimations de la récolte faites par la mission FAO/CILSS/FEWS/PAM prévoyait un déficit de 223.000 tonnes de céréales. Certains commerçants de la sous région ont acheté autant que possible au prix d'octobre-novembre pour pouvoir les revendre au compte goutte plus tard au triple du prix d'achat. Il faudra renforcer le système de réaction et de réponse entre les politiques des pays de la sous région et ces crises alimentaires récurrentes. C'est une crise qui touche le Niger, qui demain peut toucher d'autres pays donc il faut absolument qu'un dispositif soit mis en place au niveau de la CEDEAO. Le Secrétaire Général envisage la tenue d'une réunion de la CEDEOA pour discuter du problème.