Haïti : Abriter les espoirs et l'avenir des jeunes filles face aux violences basées sur le genre

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Par : Véronique Durroux

Dans le département haïtien de l’Artibonite, un centre d’accueil et d’hébergement pour jeunes filles et femmes est devenu un havre de paix pour les survivantes de violences basées sur le genre (VBG), qui connaissent une augmentation. Selon le Plan de réponse humanitaire 2024, l'Artibonite compte le deuxième plus grand nombre de personnes ayant besoin d'aide humanitaire après la zone métropolitaine de Port-au-Prince. « Je me sens bien ici », dit Elina*, 17 ans, arrivée dans le centre d’accueil il y a un mois.

L'établissement, niché dans une rue calme d'une ville du nord du département de l'Artibonite, accueille des femmes et des filles vulnérables ainsi que des survivantes de violences sexuelles. Il héberge actuellement sept mineures, dont Elina, qui reçoivent un soutien médical, psychologique et juridique sur place. Elina y a trouvé refuge après avoir été agressée sexuellement par un parent. Mais elle préfère parler de ses espoirs et de ses rêves plutôt que des circonstances qui l'ont amenée au centre. « Je poursuis mes études et j'espère devenir médecin un jour », dit-elle. Elle avoue aussi que les cours de musique qu'elle suivait lui manquent.

Madeline*, une autre adolescente survivante de violence sexuelle, est moins communicative mais partage un désir similaire. Les sourcils froncés, elle exprime à plusieurs reprises son désir de reprendre sa scolarité, qui a été interrompue par la récente agression qu’elle a subie. Pour Madeline, l'école représente la routine et la normalité essentielles à son jeune âge. Légende de la photo : Une allocation du CERF en 2023 a aidé l'UNFPA à soutenir l’AFAGM et d’autres organisations locales travaillant avec les survivantes de violences sexuelles et basées sur le genre.

Le financement a permis d'atténuer les effets des VBG et d'améliorer l'accès aux soins essentiels. Madame Nalda est la dynamique directrice de l'Association Femme Action (AFAGM), l'ONG qui gère le centre d’accueil. Elle essaie d'inscrire Madeline dans une école voisine. Le centre ouvre ses portes aux survivantes et aux femmes enceintes en situation vulnérable qui viennent souvent des zones reculées. L’absence de forces de l’ordre dans certaines régions et la présence de groupes armés ont contribué à l'augmentation alarmante des VBG dans tout le pays, en particulier dans le Bas-Artibonite.

Les incidents de viol et d'exploitation sexuelle ont augmenté au cours des deux dernières années, avec environ 165 cas de violence sexuelle signalés entre janvier et mars 2024. Face à cette situation critique, les organisations locales de femmes redoublent d’efforts pour aider les survivantes.

Le personnel de l'AFAGM est principalement composé de bénévoles, qui dépendent des dons pour le fonctionnement du centre tout en couvrant leurs propres frais de déplacement. Ces bénévoles dévoués sont eux-mêmes souvent marqués par la gravité des cas qu'ils rencontrent. "Nous avons reçu une fille de 8 ans qui était une survivante d'abus sexuels... Vous vous rendez compte ? », dit Arielle*, une infirmière qui s'occupe de l'accueil des nouvelles arrivantes. « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour prendre soin d'elles, pour les encourager. Mais voir des cas aussi graves de première main est difficile. Parfois, je me demande si j'ai moi-même besoin d'une aide psychologique », nous confie-t-elle. Arielle mentionne également la nécessité d'une salle de loisirs pour que les résidentes puissent se détendre et créer des liens entre elles, soulignant l'importance des initiatives que le centre souhaite développer pour renforcer la confiance et l'indépendance des jeunes femmes lorsqu'elles partent.

Le centre a rapidement acquis une solide réputation et accueille aujourd'hui des femmes et des filles de tout le département, y compris du Bas-Artibonite. « C'est un centre de référence, où même les autorités envoient des cas difficiles parce qu'elles savent que les femmes et les filles y seront bien traitées, » explique Marie Murielle Morné, coordinatrice de la lutte contre les VBG au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) pour l'ensemble du département. Grâce à un financement du Fonds central d'intervention d'urgence des Nations Unies (CERF) en 2023, l'UNFPA a réhabilité le refuge AFAGM et d'autres centres dans le département, tels que ceux gérés par les ONG Femmes du Bas-Artibonite et Plateforme des Femmes de Saint-Michel de l'Attalaye. Les acteurs locaux sont les premiers intervenants dans les cas de VBG en Haïti. Ces améliorations ont permis de mettre les installations aux normes requises et d'améliorer l'accès aux services essentiels de gestion des cas et d'information sur la violence basée sur le genre. UNFPA a également fourni au centre du matériel, tels que des kits de dignité et l'installation d'un système d'énergie solaire.

Par ailleurs, environ 528 femmes vulnérables soutenues par l'AFAGM, le ministère de la Condition féminine et des Droits des femmes et d'autres groupes de femmes de l'Artibonite ont reçu une aide d'urgence en espèces pour couvrir leurs besoins de base, tels que les soins de santé et l'habillement, réduisant ainsi leur besoin de recourir à des stratégies négatives de survie. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, car les dépenses de fonctionnement augmentent et la situation humanitaire du pays se détériore. « Nous devons trouver davantage de ressources, » dit Mme Nalda. « Avez-vous vu comment ces jeunes filles ont encore des projets et des rêves ? Nous n'avons pas d'autre choix que de poursuivre notre travail. *Les prénoms ont été modifiés.